Une chapelle pour restituer cette histoire écrite par ce croyant torturé qu'était Claudel, quelle excellente idée !

On entre comme à l'église, par un petit couloir latérale qui sent la pierre gorgée d'eau bénite. En place du chœur, des pendrillons noirs forment la scène. Là-haut, les voutes et les vitraux. Au centre des tentures noires, une estrade en bois, posée dans la diagonale, elle va figurer la maison du jeune couple qui entame la pièce.

L'Echange raconte la manière dont deux couples vont se broyer l'un l'autre sous les coups du désir de pureté, du désir de posséder, du désir de liberté.

Le premier couple, jeunes mariés depuis six mois, débarqués au Etats-Unis possèdent l'innocence de leur jeunesse, de leur pureté et de leurs sentiments, l'autre couple possèdent la richesse (pour l'homme, faiseur d'argent) et la maîtrise des pulsions, des sentiments et des apparences (pour la femme, comédienne) : une sorte de message biblique où l'argent et la corruption ont remplacé Dieu.

La mise en scène de Valérie Castel Jordy met en valeur l'espèce de deal qui va corrompre l'innocence. Le pouvoir de l'argent et le pouvoir du sexe sont célébrés ici. Des apparitions de corps nus rythment tout le spectacle. Une recherche de sensualité certaine se dégage de toutes les images. Et l'innocence se délaie dans le flot des désirs. Une mise en scène qui ose flirter avec l'indécence et le despotisme des pulsions sur les êtres. Mais l'interprétation des personnages oublie de nous les faire aimer et l'intrigue de Claudel comme son interrogation mystique se perd.

 

Bruno Fougniès

 

L'échange

Texte de Paul Claudel

Avec : Émilie Cazenave, Isabelle Gardien, Hugues Martel, Yan Tassin 
Mise en scène : Valérie Castel Jordy 
Collaboration artistique : Éric Nesci 
Création musicale : David Georgelin 
Scénographie : Charlotte Villermet 
Costumes : Angélique Calfati