BLACKBIRD

Théâtre des Doms
1 bis, rue des Escaliers Sainte-Anne
84000 Avignon
04 90 14 07 99

11h00

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Mis en ligne le 21 juillet 2014

Un spectacle éprouvant. Qui nourrit, interroge et fascine.

La pièce de David Harrower est un face à face entre un homme dans la cinquantaine et une femme dans la vingtaine. Il l'a violée lorsqu'elle avait 12 ans. Et elle a retrouvé sa trace toutes ces années après. Et les voilà.

Pourtant elle ne s'avance pas vers cet homme qui a détruit sa vie dans un esprit de vengeance. Ni même une interrogation. Il s'agit plus pour elle de finir une histoire. Quelle histoire ? Quelle histoire qui ressemblait pour l'enfant qu'elle était, à une histoire d'amour.

L'homme a été jugé, condamné pour viol, enlèvement et détournement de mineur, il a purgé sa peine six ans en prison et a refait sa vie, changé de métier, créé une famille, il a même changé de nom pour détacher de lui ce viol, l'oublier… et elle surgit soudain un soir, sur son lieu de travail, une usine de prothèses dentaires, à l'heure de la fermeture.

Il y a ces flirts enfantins, il y a ces limites à ne jamais franchir avec les flirts que les petites filles entreprennent avec les adultes, ces envies de séduire, il y a une sensualité dangereuse dans laquelle les adultes ne doivent pas sombrer. Par accident ou par dépravation ?

Pour elle, c'est toute sa vie qui s'est arrêtée ou a commencé le jour de ce viol. Les interrogatoires, les examens gynécologiques, le procès, la honte de toute sa famille, la mort de son père empoisonné par le remords, la boulimie sexuelle, toute sa vie. Ce jour-là, elle morte et elle est née à autre chose. Comme de passer des rêves d'enfant à l'aigreur des dégoûtés du monde, en un soir. Vieillir d'un coup.

Ils sont face à face, plus comme des rescapés d'une catastrophe que d'une victime face à son bourreau. Ils ont payés, ils payent encore. Ils ont tous les deux souffert de cette catastrophe amoureuse ou sexuelle, perverse ou pure. Ils se retrouvent finalement dans le même isolement où ils avaient été dans cette chambre d'hôtel. Seuls au monde, mais seuls à deux. Avec soudain ce désir qui monte l'un pour l'autre et se retrouver à nouveau tous les deux seuls contre le monde entier.

Cette rencontre se déroule devant des portes d'atelier coulissantes en acier zingué : froides comme l'étain, métalliques et mécaniques comme des portes de prison.

C'est un sas, une chambre frigorifique, un lieu inhospitalier, blessant, sans rien, un espace mis volontairement à part du monde, isolé du monde, gris, stérile.

La mise en scène cloisonne aussi les personnages. Les comédiens sont volontairement statiques, ce qui bride un peu leur expression mais permet d'intensifier la force du texte, de la joute et des questionnements qui les oppose.

On sent une inexpérience chez la comédienne qui s'accorde avec la fragilité du personnage. Par moment, on croit qu'elle va se briser sur place, sous la déflagration d'un mot ou d'une pensée.

À faire jaillir des larmes.

Bruno Fougniès

 

Blackbird

Texte de David Harrower
Traduction : Zabou Breitman, Léa Drucker 
Mise en scène : Jérôme de Falloise, Sarah Lefèvre, Raven Ruëll 
Assistante générale : Anne-Sophie Sterck 
Création sonore et Musique live : Wim Lots 
Scénographie et Création lumière : Fred Op de Beeck 
Création lumière : Manu Savini 
Régie : Isabelle Derr, Nicolas Marty, Cédric Macary 
Vidéo : Steven Braine 

Avec : Jérôme de Falloise, Sarah Lefèvre et Anna, Gaia ou Anastasiya 

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