YUKONSTYLE |
La Colline Petit Théâtre On entend : « Pis, à part ça... » ou bien « J'm'habille de même, passque ça me tente ! » et on en déduit qu'on est dans une pièce québéquoise. Elle n'a pas été adaptée et heureusement, mais on s'habitue vite. Dès le début, on est dans le grand appartement que partagent deux jeunes gens, Garin, un garçon bougon (amérindien d'origine) et Yuko, une jeune japonaise exilée dans ce coin perdu et glacé qu'est le Yukon. Qu'ils hébergent une jeune « paumée » ne devrait pas poser de problème, mais chacun investit à sa façon cette cohabitation nouvelle. Chacun en fonction de son traumatisme d'origine. Ajoutez à cela que la jeune ado est enceinte et en fugue, que Garin a un père âgé et malade et qu'un tueur en série est jugé quelque part, au même moment. Après un démarrage lent, façon « on ne se parle pas, chacun vaque à ses occupations, la musique ou la télé meublant le silence. » la pièce peut vraiment démarrer. Et la jeune auteure, Sarah Berthiaume déroule son histoire en louchant du côté de Tennessee Williams mais avec une originalité et un brio assez bluffant. On pense aussi au traumatisme vécu dans sa jeunesse par l'écrivain James Ellroy. Ici, peu à peu, les personnages vont se dévoiler, se trouver amenés à aller justement là où ils ne voudraient pas. Des réponses seront enfin apportées, à leurs problèmes respectifs. En dépit d'une fin qui aurait gagné à être un peu courte (cette manie d'élargir au niveau de l'horizon et d'une méditation globale sur la vie, ce qui était jusque là plutôt réussi !) la pièce fonctionne. Elle marque et l'on en sort secoué. Le décor évoque un loft mais peut devenir la chambre du père, des cuisines, un hôpital. On y bouleversera les meubles, on l'aspergera de neige carbonique, on y entrera en quittant à chaque fois ses bottes fourrées. L'ennui est là, et la routine et la difficulté à se dire les choses. Le temps s'appesantît. Mais la devise du Yukon étant : « Larger than life », (plus grand que la vie), tous les espoirs sont aussi permis. Célie Pauthe, déjà metteuse en scène de ce petit bijou qu'était « Long voyage du jour vers la nuit » de O'Neil, a fait un travail inspiré. Que dire des comédiens, sinon que chacun joue avec bonheur sa partition : Dan Artus a des accès de rage glaçants. Sa lente métamorphose est parfaitement maîtrisée. Bonhomme et fragile à la fois, Jean-Louis Coulloc'h est un père attachant. La jeune Flore Babled, se tire efficacement d'un rôle difficile. Adressons un dernier bravo, à cette fine comédienne, à la fois discrète et convaincante, qu'est Cathy MinYung.
Gérard NOEL
Yukonstyle De Sarah Berthiaume. Avec : Dan Artus, Flore Babled, Jean-Louis Coulloc'h, Cathy Min Jung. Collaboration artistique : Denis Loubaton.
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