WHITE DOG
Dans le cadre du festival Marto !
Théâtre 71 scène nationale de Malakoff
3, place du 11 novembre
92240 Malakoff
01 55 48 91 00
Du 15 au 21 mars 2018
mercredi, jeudi et samedi 19h30,
mardi et vendredi 20h30
dimanche 16h
Tournée :
06 au 07 avril 2018 : La ferme de Bel Ebat, Guyancourt : 01 30 48 33 44
10 au 14 avril 2018 : Le Bateau Feu, scène nationale de Dunkerque : 03 28 51 40 40
17 au 19 avril 2018 : Le Tangram, scène nationale d’Evreux : 02 32 29 63 32
17 au 18 mai 2018 : THV Saint Barthélémy d’Anjou : 02 41 96 14 90
24 au 25 mai 2018: Le Trident, scène nationale de Cherbourg : 02 33 88 55 50
Il faut s’attendre à tout avec cet art de la marionnette qui prend dans ses fils et ses manipulations tout le spectre créatif du spectacle vivant. Il y a longtemps que cette discipline particulière s’est émancipée de son cloisonnement au jeune public pour s’emparer des grands classiques, des drames, des contes, des tragédies et des récits contemporains. Mais elle s’émancipe également de plus en plus de ses propres fondements. Ce n’est plus seulement la marionnette qui porte le spectacle avec le marionnettiste soigneusement invisible derrière elle – l’aspect « magique » passe au second plan – c’est autant la matière, les objets, la musique, le chant et aussi et surtout le marionnettiste devenant acteur.
White Dog parvient à combiner tout cela pour offrir un spectacle extrêmement vivant, fort et poétique. D’abord le texte de Romain Gary, fort. Inscrit dans l’histoire des Etats-Unis puisqu’il se déroule en 1968, à Beverly Hills – New-York – Paris, pendant les soulèvements noirs contre la discrimination, les marches, Martin Luther King, son assassinat. Fort également car très autobiographique, mettant en scène Romain Gary et Jean Seberg, couple mythique. Humain puisqu’il traite en fil conducteur d’un chien dressé par la police blanche à attaquer les noirs. L’histoire raconte la rééducation de ce chien que l’homme avait rendu plus sauvage qu’il n’avait jamais été auparavant.
On ne peut raconter plus, car le spectacle fourmille de scènes, de personnages, d’incrustations dans l’Histoire, et de trames secondaire comme émouvantes.
Pour le coup, les Anges au Plafond donnent ici une leçon au théâtre contemporain en réussissant à s’introduire dans les medias porteurs, à la mode, sans tenter d’intégrer les normes de ces médias que sont le web, les smartphones, la télé et tout ce qui est vidéo-sonore. Les éléments sont là – vidéo, voix off, musiques, micro – mais là en tant que tels, en tant qu’objets ou bien détournés avec un sens de l’humour subtils, mais pas là pas en tant qu’attrait, illusionnite, fascination et média nécessaires.
Pour le coup, le spectacle est un constant aller-retour entre l’effet produit par une technologie et sa démystification. Même en ce qui concerne la manipulation marionnettique, tout est visible et, étrangement, plus l’acte de faire vivre la marionnette est visible, plus il produit du vivant, de l’illusion et finalement du vrai et de l’émotion.
Il y a ici, palpable, autant de travail d’artisan que de grande production. Et c’est en cela que l’on est dans l’art car tout ce travail créatif a été fait pour porter un message d’une humanité dont seuls des êtres rares comme Romain Gary sont capables : voir l’humain tel qu’il est sans perdre l’espoir de ce qu’il pourrait être. Ce sont alors des larmes de rires, sagesses, dépits et rêves mêlés.
Et puis, l’harmonie ne s’arrête pas là (moi je vais m’arrêter au bout d’un temps) il continue dans ce que l’on respire des acteurs au plateau : une humilité dans ce travail qui demande autant de dextérité, d’abnégation, d’art de jeu et un rythme, une écoute, une intelligence d’interprétation. Être à la fois porteur de la marionnette, puis soudain porteur du personnage avec sa propre voix, son propre visage. Une humilité aussi grande qu’est grande la virtuosité avec laquelle ils jouent avec l’histoire, les objets, les décors, les sons.
Car la construction de ce spectacle est une mécanique qui ne souffre pas le moindre grain de sable. Rythme avant tout. Tout bouge. Décors, sol, air, mur, sons. Et ce soir-là, une grande bande de papier qui se déchire mal, et voici toute la scène qui suit amputée de son cadre – identique au cadre d’une télé. Le manipulateur invente d’autres positions de jeux pour sa marionnette jusqu’à ce qu’un de ces acolytes vienne reformer le cadre de jeu avec deux bouts de scotch. Alors, le temps d’une impro et d’une adresse, le personnage da la marionnette lance un « Merci ! » au réparateur. Sans que le spectacle souffre de l’incident. Au contraire.
Alors bon, standing ovation pour les interprètes manipulateurs Brice Berthoud, Yvan Bernardet et Tadie Tuené capables de donner vie à la matière avec tant de talent et aussi à Arnaud Biscay dont la musique, les percussions, les chants et les interventions vocales transforment parfois le spectacle en ballet.
Et pour la très belle scénographie (signée Brice Berthoud) qui ne cesse de prendre vie tout au long de l’histoire, évoluant sans cesse avec ses membres et ses murs de papiers faisant parie intégrante de la mise en scène.
Une mise en scène inventive, parlante, joueuse et surtout d’une élégance poétique heureuse de Camille Trouvé.
Sans oublier les marionnettes de papiers, grandeur nature, rendues presque humaines ou presque animales pour la marionnette du chien Batka.
Et pour Romain Gary, et Jean Seberg retrouvée morte dix ans plus tard à Paris, dans sa voiture, dans des circonstances étranges.
Bruno Fougniès
White Dog
Mise en scène : Camille Trouvé
assistée de Jonas Coutancier
Adaptation : Brice Berthoud et Camille Trouvé
Dramaturgie : Saskia Berthod
Marionnettes : Camille Trouvé, Amélie Madeline et Emmanuelle Lhermie
Scénographie : Brice Berthoud assisté de Margot Chamberlin
Musique : Arnaud Biscay
Création sonore : Antoine Garry et Emmanuel Trouvé
Lumière : Nicolas Lamatière
Costume : Séverine Thiébault
Mécanismes de scène : Magali Rousseau
Construction du décor : Les Ateliers de la MCB
Avec : Brice Berthoud, Arnaud Biscay, Yvan Bernardet et Tadie Tuené
Mis en ligne le 28 février 2018