VICTOR  F.

Au Théâtre de l’Aquarium,
La Cartoucherie, route du champ de manœuvre
75012 Paris. 
01 43 74 72 74

Jusqu’au 25 janvier 2016,
du mardi au samedi 20h30
le dimanche 16h00.

 

Victor F. loupePhoto © Pierre Grosbois

Stupéfiant, inenvisageable, délirant, Victor F. … un savant, a réussi à créer un être humain vivant ! On  pense tout de suite au roman Frankenstein, signé Mary Shelley et on a raison puisque ce spectacle, conçu et mis en scène par Laurent Gutman, en procède.

C’est une adaptation : Gutmann a donc pris soin de gommer tout le côté gothique, outré, mais si marquant des films où Boris Karloff brilla dans les années 30. Ce qui intéresse l’auteur metteur en scène, c’est la proximité avec le roman, et deux éléments : la volonté de Frankenstein d’égaler le Créateur, puisqu’il donne véritablement la vie. L’autre chose, c’est le sort de cet « enfant » mal aimé, rejeté, que cet abandon conduit à la méchanceté. D’où des choix surprenants : le spectacle est intemporel, avec un savant qui apparaît en jean et baskets, une Suisse d’opérette en décor et, pour la Créature, un maquillage pour le moins étonnant.

Tout le début du spectacle, dans sa volonté de coller au texte, est un peu longuet. Il ne se passe presque rien. Victor F. fait une conférence dont nous sommes le public. Il expose ses thèses, rend compte de son travail. Son ami Henri fait de la figuration. Comme souvent, la venue d’un autre personnage, Elisabeth, ci-devant « fiancée de Victor » lance le mouvement. L’expérience, où la mise en scène sacrifie quand même aux « effets », échoue. C’est ce qu’on nous dit. Tout le reste du spectacle se déroule sur fond de paysage verdoyant et montagneux. L’action rebondit puisque la Créature (à la curieuse grosse tête qui sourit en permanence) a suivi son créateur. Elle s’oppose à Henri, l’ami non-voyant, tente de profiter d’un quiproquo avec Elisabeth… Tout cela finira mal.

Il faut reconnaître à Laurent Gutmann sa cohérence : il refuse le spectaculaire. Il a foi dans le texte, dans la problématique qu’il soulève. À charge pour les comédiens d’y mettre de la vie, ce que fait très bien Éric Petitjean dans le rôle du savant. Il arrive même que son naturel, son jeu très actuel fasse sourire, en opposition avec la « charge émotionnelle » de l’action. Cassandre Vittu de Kerraoui est vive et juste. Gardons pour la fin Luc Schiltz, dans le rôle ambigu de la créature : force du masque, précision des mouvements… une certaine fascination se crée, très différente de ce que pouvait procurer l’image cinéma en noir et blanc. Mary Shelley n’est pas trahie, loin de là. Ici nous est proposée une relecture inspirée du mythe fondateur. Et le spectacle  fonctionne plutôt bien.

Gérard Noël

 

Victor  F.

d’après Mary Shelley
Mise en scène et adaptation : Laurent Gutmann.

Avec : Éric Petitjean, Cassandre Vittu de Kerraoui, Luc Schiltz, Serge Wolf.

Scénographie : Alexandre de Dardel.
Lumières : Yann Loric.
Son : Estelle Gotteland.
Costumes : Axel Aust.
Maquillage, perruques : Catherine Sant-Sever.
Collaboration artistique : Aurélien Desclozeaux.
Masque : Alexis Kinebanyan-KFX Studio.

 

Mis en ligne le 8 janvier 2016