UN FIL À LA PATTE

Au Théâtre de Belleville
94 rue du Fg du temple
75011 PARIS
01 48 06 72 34
Du 4 juillet au 27 juillet 2012 du mercredi au samedi à 21h et dimanche à 17h.

Même si elle a été jouée un peu partout et continue à l'être (à la Comédie Française, notamment) pourquoi ne pas reprendre « Un fil à la patte », de l'increvable Feydeau ? La compagnie Hocemo l'a fait, sous la houlette de Lise Quet, et brillamment.

L'argument est simple : Lucette, une chanteuse de cabaret, aime Bois d'Enghien, son régulier. Après une pseudo séparation, celui-ci revient, mais c'est pour mieux rompre cette attache, ce fil à la patte. Il doit en effet se marier avec une jeune fille du meilleur monde. Bouzin, un clerc de notaire (qui ne cherche qu'à placer ses chansons) et un général sud-américain seront aussi de la partie. Il y aura des quiproquos, des courses poursuites, et un amant en caleçon. Mais en situation, rien de gratuit là-dedans.

Sur une scène qui n'est pas immense, le décor est ingénieux, à commencer par la rampe de lumière qui évoque, forcément, la scène des théâtres où se produit Lucette. Il y a des rideaux rouges, et des meubles et accessoires pas trop connotés, comme, d'ailleurs, les costumes. On vise ici à l'universel. Point n'est besoin en effet que l'on se croie en 1894, l'année de la création de la pièce. Les à-côtés de la scène, de même que les travées de la salle sont utilisés avec brio. On se souviendra des entrées et sorties des personnages, du petit placard où se cache Bois d'Enghien, du couloir du troisième acte avec son escalier malicieusement suggéré. Également du pistolet éventail devenu pistolet à eau. En ces temps de canicule, pourquoi pas ?

Avec cette pièce, Feydeau porte le vaudeville au maximum de son efficacité. Pour fonctionner, il doit être mené sans temps mort, ce qui est ici le cas. C'est donc un pur bonheur que de voir ces jeunes comédiens jouer de tout leur talent et de toute leur énergie : Il faut bien sûr citer en tête les titulaires des deux rôles « en or » de la pièce : Julien Large est un Bouzin qui dose savamment les ahurissements et les mines de chien battu face à tout ce qui lui arrive. Doté d'un physique de jeune premier, Damien Prévot a la colère prompte et l'accent à couper au couteau de ce général. Il peut sortir de ses gonds ou minauder timidement face à la sémillante Lucette. Celle-ci, jouée par Cindy Rodrigues est une femme « libérée » enfin libérée comme le permettait l'époque : elle a beau travailler et donner de l'argent au père de son enfant, elle « craque » pour un somptueux bouquet voire un bracelet ou un collier. En fait, comme le souligne Lise Quet, il est peu question d'amour dans cette pièce. D'intérêt, oui de désir également, et ces personnages mus par leur seul égoïsme, se télescopent comme des billes pour le plus grand plaisir du spectateur. Pour celui de ses zygomatiques, surtout. En effet, de jeux de scènes en jeux de mots, tout est là pour faire rire. Et, encore une fois, la mise en scène, le jeu, inspiré, des comédiens, font mouche. Nous n'aurions garde d'oublier de citer dans un double rôle (dont un travesti) Lionel Rondeau ni en Bois d'Enghien, l'excellent Nicolas Fantoli. Mais tout le monde mériterait d'être nommé.

 

Gérard Noël

 

 

Un fil à la patte

De Feydeau

Mise en scène de Lise Quet
Décors : Jérôme satie
Costumes : Alice Beattie

Avec Nicolas Fantoli, Cindy Rodrigues, Julien Large, Lionel Rondeau, Damien Prévot, Rémi Dessenoix, Amandine Calsat, Calire Poudéroux.