UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE |
Théâtre de la Tempête « Un chapeau de paille d'Italie » écrit en 1851 par Eugène Labiche et entré au répertoire de la Comédie Française en mars 1938 est une référence en matière de vaudeville inscrivant sans doute Labiche comme le pionnier du théâtre de l'absurde avant Ionesco. C'est drôlissime et satirique avec un regard féroce sur le conformisme de la bourgeoisie dans une succession de situations burlesques sans queue ni tête fondées sur le quiproquo. Rappelons l'intrigue : on est au matin du jour où Fadinard doit épouser la fille d'un pépiniériste très intéressé. Mais son cheval mange le chapeau d'une dame qui se trouvait là avec son amant. Le couple le poursuit jusque chez lui pour qu'il remplace le fameux chapeau dont la disparition vaudrait une belle scène à la dame pourvue d'un mari fort jaloux. Le pauvre Fadinard va donc passer sa journée à trouver un chapeau identique avec sur ses talons toute la noce, ahurie et maladroite, qui ne manque pas de semer la confusion. C'est une sorte de cavalcade frénétique où rien ne tient debout, une fuite en avant qui déclenche une succession de réactions en chaîne menées à cent à l'heure. Gilles Bouillon le metteur en scène a joué à fond la carte du burlesque avec des scènes qui rappellent le cinéma muet, les comédies américaines, l'opéra bouffe ou encore la grosse comédie de boulevard. Tout repose sur le jeu des comédiens qui s'en donnent à cœur joie et ne s'économisent pas, avec des numéros d'acteur appuyés, Jean-Luc Guitton magnifique dans le rôle du père de la mariée, Xavier Guittet en mari trompé – excellente scène de la baignoire ! – Julie Roux parfaite oie blanche et le héros, Frédéric Cherboeuf qui nous offre un Fadinard virevoltant, léger, aérien qui enchaîne les cabrioles et voltiges dignes d'un Fred Astaire qui démultiplient un jeu par ailleurs frénétique. Le tout est accompagné au piano par Alain Bruel avec des couleurs musicales variées et qui se mêlent sans brutalité au texte. Nathalie Holt a imaginé un superbe décor très fluide fait de panneaux mobiles qui créent des univers différents pour chaque acte. Un seul regret : les intermèdes devant le rideau qui permettent justement les manipulations cassent un peu le rythme de l'histoire, bien qu'agrémentés de scènes burlesques rappelant les histoires sans paroles. J'aurais pour ma part préféré que les changements de décor se fassent à vue, s'introduisant dans l'action. Cette légère réserve à part, le spectacle est parfaitement réussi, fidèle à l'esprit de Labiche, un vrai plaisir pour les yeux et les oreilles.
Nicole Bourbon
Un chapeau de paille d'Italie Vaudeville de Eugène Labiche, mise en scène Gilles Bouillon Avec
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