UM ESPANTO NÃO SE ESPERA |
Théâtre de la Bastille
« Um espanto não se espera » est un petit spectacle sans prétention joué par deux jeunes portugaises qui étonnamment n'y font étalage d'aucuns de leurs talents de danseuses, malgré de bonnes références à l'école supérieure de danse de Lisbonne. Surprenant par l'immobilisme et l'attentisme de ses protagonistes, décevant par l'austérité et la sobriété de son contenu, c'est un portrait fidèle de l'image qu'ont les portugais de leur classe dirigeante. Seulement voilà, derrière la critique détournée au dixième degré, il y a très peu de matière à susciter l'émotion et l'admiration au niveau purement artistique. Pire, le seul motif de satisfaction qui ressort de la pièce intervient à sa toute fin et n'est même pas lié au jeu du duo de comédiennes. Il est le fait d'une fanfare de musiciens qui surgit et se met à traverser l'espèce scénique en jouant un air de carnaval qui ravit et ravive le cur éteint de spectateurs indolents voire somnolents. Littéralement, le titre portugais de la pièce signifie en français « Une surprise ne s'attend pas ». On peut interpréter cela de deux manières : d'une part, on ne peut pas qualifier de surprise un événement auquel on s'attendrait ; d'autre part, il ne faut pas s'attendre à une surprise (sous-entendu, le changement, ce n'est pas maintenant). Au vu de la portée politique des intentions critiques du spectacle, c'est a priori vers la seconde proposition qu'il faut faire pencher notre interprétation. Et comme les demoiselles Silva et Francisca semblent aimer jouer avec les sens multiples des mots portugais, elles offrent un récital comique (?) de théâtre de l'absurde autour du terme « Suspiro », un mot qui en Lusitanie désigne à la fois une respiration écourtée (un soupir), un son doux et mélancolique, une lamentation plaintive, une pâtisserie traditionnelle à base de meringue et l'indication ostensible d'un désir véhément. Tour à tour, elles semblent interpréter des petites filles capricieuses qui jouent avec la nourriture, des adolescentes tourmentées qui cèdent à la tentation et aux douceurs des sucreries, des vierges effarouchées en robe de mariée qui aspirent à l'empire d'un soupirant ou des veuves éplorées voulant s'élever au firmament. Finalement libérées de leurs carcans moraux et sentimentaux et a priori rassérénées de leurs émois physiques et psychiques, les pleureuses atterrées affairées jusque là à nous distraire n'ont plus qu'à se soustraire à la vue du public apathique, libérant les vivats des quelques personnes touchées dans l'assistance, pour une majorité de déçus qui saluent nonchalamment leur déconvenue en applaudissant chaudement la fanfare réapparue.
Camille Grosjean
Um espanto não se espera Conception et interprétation : Elizabete Francisca et Teresa Silva
|