TROUBLE DANS LA REPRÉSENTATION, FICTIONS 1 À 8
Le Lucernaire
53 rue Notre Dame des Champs
75006 Paris
01.45.44.57.34
Jusqu'au 1er mars, du mardi au samedi à 21h
Après avoir gagné le « Paradis » (la toute petite salle en haut du théâtre du Lucernaire), on pénètre dans un « laboratoire contemporain » dont tout le fond de scène est occupé par un grand écran. Devant nous, quelques colonnes lumineuses, un bureau, un téléphone, un magnétophone, des éprouvettes, un poste de télévision. Des feuillets numérotés de 1 à 8 jonchent le sol.
Elle et Lui, interprétés par Catherine Rétoré et Malik Faraoun, sont catapultés dans le laboratoire après avoir été littéralement « extraits » du vieux film muet dans lequel on vient de les voir jouer une scène d'amour romantique. A présent, ils deviennent les cobayes de quatre laborantines qui les utilisent pour interpréter des moments canoniques de la relation homme/femme, les fameuses fictions 1 à 8. Ces moments sont fondés sur la citation, la lecture, l'interprétation de scènes. Citons par exemple Elizabeth Badinter, un passage de Bridget Jones, la scène culte du Mépris de Jean Luc Godard. L'alternance entre le jeu des acteurs sur scène et les images des laborantines projetées, permet de pointer efficacement du doigt les inégalités de genre pour servir un spectacle revendicatif.
Si le désir d'originalité de la mise en scène est à saluer, l'omniprésence à l'écran des laborantines confère aux deux acteurs un rôle finalement plus secondaire dans la réflexion conduite par le texte. Cette mise en abyme concernant les acteurs aurait peut-être mérité une meilleure exploitation : on les sent un peu déroutés lorsqu'ils deviennent spectateurs de cet écran envahissant. La confusion peut aussi s'emparer parfois des spectateurs quand se mélangent texte projeté, discours de laborantine et voix d'acteur. Malgré ces quelques défauts, soulignons la pertinence du choix des textes, au service d'une problématique cruciale : l'inégalité statutaire que la société entretient autour des rôles professionnels, sociaux, personnels et intimes de l'homme et de la femme. Ce trouble dans la représentation dit au fond magnifiquement la représentation du trouble qui s'empare de nos sociétés face au statut de la femme. Ces fictions 1 à 8 ne sont que l'infinie réalité.
Ivanne Galant
Trouble dans la représentation, fictions 1 à 8
Concept et mise en scène : Aline César
Inspiré des conférences de Nathalie Epron
Avec Catherine Rétoré et Malik Faraoun
Avec des textes de Judith Butler, Hélène Cixous, Colette, Virginie Despentes, Annie Ernaux, Jean-Luc Godard, Marivaux, Jean-Jacques Rousseau, Valérie Solanas, Marina Tsvetaeva…