TRISTESSE ANIMAL NOIR

L'Atalante
10 place Charles Dullin
75018 Paris 
01 46 06 11 90

Jusqu’au 2 octobre 2017
du mercredi au samedi à 20h30.
jeudis et samedis à 19h00

Tristesse animal noir loupe 

Anja Hilling est une jeune auteure dramatique allemande née en 1975. Son univers nous présente des quadras bien dans leur tête et propres sur eux, mais qu’un événement majeur, soudain, va venir perturber.

Amours hétéros ou non, travail (dans la mode, la pub, l’édition) désirs d’enfant, couples qui se reforment et se transforment, tel est, grosso modo, le contenu de la première partie. Des répliques vachardes où se mêle parfois un peu de poésie. Il y a là, outre un bébé, quatre hommes, deux femmes. Des bobos à peine caricaturés. Leurs relations ente eux et celles qu’ils entretiennent avec le paysage, une forêt dans laquelle ils sont venus faire un barbecue. Les didascalies sont dites, comme des pensées des personnages. On attend la suite. Et elle va venir, surprenante, âpre : il s’agit d’un incendie qui se déclare (une flammèche qui saute) et se développe de façon très rapide. On sent (et Anja Hilling également) la portée à la fois métaphorique et tragiquement réelle de cette catastrophe. Un souffle passe alors sur le texte, le vampirisant totalement. Tout n’est plus que fumées, brandons, destruction... noirceur.

À l’occasion (si l’on peut dire) de cet incendie, les personnages vont de révéler. Le « Combi » où se trouvait le bébé, disparaît en fumée. Miranda, sa mère échoue à le sauver. Les personnages se perdent, des sous-groupes se forment, certains s’entraident. Un forestier sauve Jennifer, son frère Oskar et son ex’ Paul. Flynn et Martin se « mettent ensemble », le second quittant Oskar avec qui il était en couple. Il y a dans toute cette partie, une exacerbation du sec, du noir, du « détruit » ainsi qu’une obsession de l’eau, du liquide, qui pourrait contribuer à éteindre l’incendie et à réhydrater les victimes. On est saisi. C’est vraiment du grand art.

La troisième partie, intitulée « la ville », marque le retour des personnages à leur réalité, leurs responsabilités. Côté écriture, on renoue avec le début, chansons et danses comprises. La mise en scène se croit obligée d’accumuler les effets. Les comédiens, transfigurés durant tout le drame, portés par l’écriture au scalpel de Anja Hilling, peinent à retrouver leurs marques. C’est finalement ce qui laisse un petit goût d’inachevé. D’artificiel.

Restent, de façon globale, un recours à la vidéo pour une fois ni plaqué, ni déplacé. Bon travail d’acteurs : Clément Beauvoir est un Paul avec des certitudes qui se craquellent. Sous des airs forts, il y a une immense sensibilité. Ironie et froideur pour Laurent Cogez en Martin. Marie Quinquempois est une Jennifer à fleur de peau, en quête d’un amour salvateur. Toute la distribution serait à citer.

Un spectacle envoûtant. A voir.

Gérard Noël

 

Tristesse animal noir

De Anja Hilling.
Mise en scène, scénographie : Grégory Fernandes.
Assistante à la mise en scène : Claire Barrabès.
Dramaturgie : Raphaël Thet.
Lumières : Stéphane Deschamps.
Vidéo : Julien Dubuc.
Son : Pascal Mazzotti.
Costumes : Émilie Hug.

Avec : Claire Barrabès, Cl »ment Beauvoir, Laurent Cogez, Grégory Fernandes, Pascal Neyron, Yoann Parize, Marie Quinquempois, Lou Wenzel.

 

Mis en ligne le 16 septembre 2017