TRISSOTIN ou Les Femmes savantes
Théâtre La Scala
13 Bd de Strasbourg
75010 Paris
01 40 03 44 30
Jusqu’au 10 mai 2019
Du mardi au samedi à 21h, dimanche à 15h.
Fallait-il changer le titre de la pièce pour cette nouvelle présentation ? Pas sûr. Enfin, sur l'affiche, le duo Makeïeff/Molière intrigue.
Macha Makeïeff, qui a longtemps travaillé en duo, a pris la clé des champs et depuis quelques années, travaille en solo : mise en scène, décor, costumes, c'est une artiste complète et l'on sent que sa re-visite d'un classique ne laissera pas indifférent.
Ça commence un peu abrupt, avec des jeunes (une bande de jeunes ?) qui se croisent, s'allongent sur un canapé... dansent. Puis la première réplique arrive : « Quoi, le beau nom de fille est un titre, ma soeur, dont vous voulez quitter la charmante douceur ? » Et l'on comprend alors que c'est bel et bien du Molière.
L'histoire, on le sait, c'est la guerre entre le bonhomme Chrysale (fabuleux Vincent Winterhalter) et ses "femmes savantes", à savoir sa femme, sa sœur et une de ses filles, qui se piquent, toutes, de science et de connaissance. On mesure combien le propos est ambigu, puisque Molière ne tranche pas véritablement entre le droit pour la femme de sortir de sa condition et celui, "conforme à l'époque" d'être juste bonne épouse et future mère. Le portrait des femmes est "salé" et la mise en scène nous les montre un peu harpies, un brin hystériques, pérorant ou faisant des expériences de chimie amusante, quand elles ne se pâment pas (proches de l'orgasme), à l'écoute du sonnet de leur idole, le fameux Trissotin du titre, un raté prétentieux à ambition poétique.
Tout ceci, donc, tourne rond : le décor est habile et les scènes enchaînent les trouvailles, qu'elles soient visuelles ou autres. Trouvailles d'acteur, excès attendus chez Vadius, Trissotin et Bélise, mais passés au filtre de la mise en scène pour y trouver là, une nouvelle jeunessse. Le tout est en vers et l'on peut mesurer combien Molière au mieux de son écriture, s'amuse avec nous de ces personnages truculents (à commencer par Bélise, la soeur de Chrysale, jouée ici magnifiquement (en alternance) par Jeanne-Marie Lévy.
Marie-Armelle Deguy est jubilatoire en Philaminte. Les jeunes premiers sont très bien aussi : rien à redire sur Armande et Henriette. Ivan Ludlow, en Clitandre, sort son personnage de la fadeur qu'il pourrait avoir en lui apportant fougue et passion ainsi qu'un certain côté "voyou".
On attend Trissotin au tournant : loin d'en faire un personnage classiquemernt étriqué avec lunettes et redingote noire, Macha Makeïeff le tire vers la rock-star décadente et maniérée : pourquoi pas ? Geoffroy Rondeau s'y amuse visiblement et nous également. Vadius (Pascal Ternisien) est plus dans la charge mais tout aussi réjouissant : on croirait deux personnages qu'un effet de voyage dans le temps fait se télescoper pour une mémorable bataille de mots. En clair, Molière n'est pas trahi.
On aime ces portes qui battent dans les deux sens, cet interphone qui grésille et ces petits détails assemblés. Jolie scène, parmi d'autres, que celle des diapositives (vous comprendrez en la voyant).
À ne pas rater donc.
Gérard Noël
Trissotin ou Les Femmes savantes
de Molière.
Mise en scène, décor, costumes : Macha Makeïeff
Avec : Vincent Winterhalter, Marie-Armelle Deguy, Arthur Igual en alternance avec Philippe Fenwick, Caroline Espagilière, Vanessa Fonte, Geoffroy Rondeau, Jeanne-Marie Levy, en alternance avec Anna Steiger, Ivan Ludlow, Pascal Ternisien, Karyll Elgrichi, en alternance avec Louise Rebillaud, Arthur Deschamps, Valentin Johner.
Lumières : Jean Bellorini assisté d'Olivier Tisseyre
Son : Xavier Jacquot
Coiffures et maquillage : Cécile Kretschmar, assistée de Judith Scotto
Arrangements musicaux : Macha Makeïeff et Jean Bellorini
Assistants à la mise en scène : Gaëlle Hermant et Camille de la Guillonière
Assistante à la scénographie et accessoires : Margot Clavières
Construction d'accessoires : Patrice Ynesta
Régisseur général : André Néri
Mis en ligne le 12 avril 2019