TRÈS NOMBREUX, CHACUN SEUL
Théâtre du Soleil
Cartoucherie de Vincennes
route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Tel : 01 43 74 24 08
Jusqu’au 10 janvier 2016
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h
(Relâches jeudis 24 et 31 décembre, vendredi 25 et 1er janvier)
Un grand plateau à la Cartoucherie pour une réflexion approfondie sur le monde du travail, sous forme de textes convaincants et de belles images projetées, dont celles de mécaniques d’usine, de tasses, et également celles du psychiatre spécialisé Christophe Dejours, expliquant la souffrance au travail dans les entreprises contemporaines. Il nous apparaît parfaitement pertinent et nous dépeint la portée de ce quasi totalitarisme du travail, auquel nous sommes aujourd’hui assujettis, de manière non violente, mais bien réelle. Des ouvriers répétant mécaniquement et inlassablement le même geste à longueur de vie, aux employés « broyés » derrière leur bureau, la masse salariale est immense et cependant l’individu est plus que jamais isolé à l’intérieur de cette « machine infernale » qui réclame toujours plus de rendement, quitte à passer par le harcèlement moral, l’incitation à la concurrence (déloyale) en interne, la course aux bonus en trompe l’oeil. Bien évidemment, toute cette manipulation est intéressée et se fait au prix du sacrifice de la valeur humaine. Du brain-storming au burn-out il n’y a qu’un pas, que beaucoup franchissent, jusqu’au point de non retour, et même au-delà... Sujet tabou, linge sale, non dits, le suicide au (ou dû au) travail demeure source de gêne et de profond malaise pour notre société moderne.
Jean-Pierre Bodin, seul sur scène, récite parfaitement son monologue. Il nous apparaît comme un syndicaliste CGT faisant un bon et très (trop) long exposé, comme pour une réunion annuelle à laquelle nous avons l’impression d’assister, sans participer, puisque, dommage, il n’y a pas de débat. L’ensemble est un peu comme une présentation power point dont a été élaboré un documentaire que nous aurions aussi pu suivre sur une chaine de télévision culturelle.
Le spectacle dure… la grande scène vide est dans le noir complet la plupart du temps, hormis les projections, ce qui est assez désagréable et fatigant pour les yeux. La chorégraphie est hélas inadaptée au comédien.
Le sujet est cependant particulièrement intéressant et nous amène à nous interroger très sérieusement sur la problématique des difficultés quotidiennes accrues de l’ouvrier, de l’employé, de tout salarié en tant qu’individu, une réelle souffrance due aux incohérences, excès et cercles vicieux du monde actuel du travail.
Luana Kim
Très nombreux, chacun seul
Textes : Jean-Pierre Bodin, Alexandrine Brisson, Christophe Dejours, Sonya Faure, Simone Weil
Avec : Jean-Pierre Bodin et la participation filmée de Christophe Dejours
Images : Alexandrine Brisson
Musique : Thibault Walter
Travail chorégraphique : Cécile Bon
Lumière : Gérard Bonnaud
Costume : Alexandrine Brisson
Mis en ligne le 21 décembre 2015