Dialogue.

Entre elles deux, un grand cadre vide. Miroir, fenêtre. L'une est-elle le reflet de l'autre, celle qui vit en harmonie avec le monde de consommation, qui a sa place ? L'autre s'interroge, hésite, cherche, s'abîme dans la réflexion. Qui s'abîme le plus des deux ? Celle qui semble en accord avec l'image de « la femme » ou celle qui se laisse envahir par les interrogations ?

C'est le quotidien qui est mis en secousses dans ce spectacle. Un quotidien ébranlé par l'intime à coup de microséismes. L'autre se met à nu pour tenter de se couvrir des défroques sociales de la féminité. Elle tâtonne, cherche dans son corps les réponses aux questionnements de son esprit. Cherche son identité dans tout ce qu'impose une société qui refuse d'accorder du temps au statique : toujours courir, consommer, sexualiser, se conformer, ressembler, être… être cette image qui se prétend synonyme de personnalité.

Le texte de Leslie Kaplan ne tente pas de répondre, il explore les fêlures de l'apparence dans une opposition fraternelle entre ses deux personnages pris dans le même tourbillon d'une société qui apporte trop de réponses toutes faites. Il s'agit de d'intime, avec toute la fragilité que l'intime exige.

Marie-Christine Bras a créé un univers à la lisière du réel et de l'imaginaire qui apporte une vérité à un texte qui pourrait autrement se contenter d'être un dialogue intérieur. Elle nous englobe avec douceur dans ce moment fragile d'aveux.

Dans ce spectacle, Emilie Alfieri campe avec assurance, élégance et sensibilité tous les atermoiements de ce texte. On sent en elle une révolte qui gronde sans jamais pouvoir éclater, comme suspendue aux mots.

Bruno Fougniès

Toute ma vie j'ai été une femme

Texte Leslie Kaplan
Mise en scène Marie-Christine Bras,
Création lumière Delphine Perrin
Compositeur François  Elie Roulin

Avec Aude Maireau et Émilie Alfieri