TOUS DES OISEAUX
Théâtre de la Colline
15 rue Malte-Brun
75020 Paris
01 44 62 52 52
Jusqu’au 17 décembre
Du mardi au samedi à 19h30
Dimanche à 15h30
L’histoire commence par la rencontre d’Eitan et Wahida, deux jeunes chercheurs dans une bibliothèque à New-York. Ils s’aiment passionnément. Eitan est juif. Il convie ses parents chez lui avec le rabbin pour l’annoncer à ses parents qui le renient. Wahida est arabe ; elle représente l’ennemi. Eitan a une intuition, son père est-il son père naturel ? Sa famille est-elle celle dans laquelle il a été élevé ? À la quête de ses origines, il part en Israël avec Wahida. La tragédie le rattrape, en route pour la Jordanie, une attaque est perpétrée sur un pont, il tombe dans le coma pendant plusieurs jours – toute sa famille se retrouve, malgré elle, à son chevet. La rencontre forcée va faire surgir des vérités indicibles.
L’histoire dramatique est classique : une histoire d’amour passionnelle entre deux personnes de clans opposés. Sauf que cette histoire est dite en quatre langues, celles des personnages, l’anglais, l’allemand, l’hébreu et l’arabe. La circulation des langues rend le texte, par essence, universel – on ne sait plus quelle langue est parlée, la question de l’identité est transcendée par le matériau textuel. Wajdi Mouawad arrive à nous faire rire, à nous déculpabiliser de rire de sujets tragiques qui ont marqué le peuple juif. Il nous interroge sur le devoir de mémoire, sur l’expérience et l’atavisme. Non, l’expérience n’est pas transmise génétiquement, elle n’influence pas la composition des 46 chromosomes qui nous constituent. Cette libre pensée d’Eitan s’oppose à son père qui semble souffrir du post-traumatisme d’une guerre qu'il n'a même pas vécue, paradoxe de la mémoire d’un peuple. Eitan nous dit cela dans la langue que parlait Hitler, Wadji Mouawad efface les barrières symboliques. Nous sommes tous des oiseaux.
Grâce à la création lumières d’Éric Champoux ainsi que la scénographie d’Emmanuel Clolus, le plateau se transforme avec délicatesse et nous envoûte. Certaines phrases résonnent comme des préceptes. « Ce n’est pas la vérité qui crève les yeux au héros mais la vitesse avec laquelle il la reçoit. Lentement, il faut guérir lentement, consoler lentement. Ne rien jeter trop vite contre le mur de la connaissance. » L’histoire est, toutefois, constituée de ressorts dramatiques qui l’alourdissent en frisant le pathos. La seconde partie du spectacle souffre de cet excès ; ceci est accentué par les monologues surjoués de Wahida et d’Eitan dont l’intensité du propos est diminuée. Nous nous devons de saluer Jalal Altawil, superbe dans le rôle du génie Léon L’Africain ainsi que Leora Rivlin, femme meurtrie par l’absence de son fils.
Tous des oiseaux ne peut laisser indifférent. La poésie, la puissance du propos et la beauté scénographique nous font, presque, oublier le pathos. Allez-y, c’est beau !
Alexandra Diaz
Tous des oiseaux
Texte et mise en scène Wajdi Mouawad
Avec Jalal Altawil, Jérémie Galiana, Victor de Oliveira, Leora Rivlin, Judith Rosmair, Darya Sheizaf, Rafael Tabor, Raphael Weinstock, Souheila Yacoub
Assistanat à la mise en scène Valérie Nègre
Dramaturgie Charlotte Farcet
Conseil artistique François Ismert
Conseil historique Natalie Zemon Davis
Musique originale Eleni Karaindrou
Scénographie Emmanuel Clolus
Lumières Eric Champoux
Son Michel Maurer
Costumes Emmanuelle Thomas assistée d’Isabelle Flosi
Maquillage, coiffure Cécile Kretschmar
Traduction en allemand Uli Menke
Traduction en anglais Linda Gaboriau
Traduction en arabe Jalal Altawil
Traduction en hébreu Eli Bijaoui
Suivi du texte Audrey Mikondo
Préparation et régie surtitres Uli Menke
Production La Colline – Théâtre national
Mis en ligne le 3 décembre 2017