TOKYO BAR

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie. Route du Champ-de-Manoeuvre.
75012 - Paris
Réservation: 01. 43. 28. 36. 36
Du 27 Avril au 2 Juin 2012
Du mardi au samedi 20h30, dimanche16h

 

Pour le grand public, Tennessee Williams est l'auteur plébiscité par Hollywood et Broadway de l'après guerre, ("La ménagerie de verre", "Un tramway nommé Désir", "La chatte sur un toit brûlant"...), et l'on ignore souvent sa période de déclin amorcée en 1961, pendant laquelle bien que sous l'emprise de la drogue, il ne renoncera pas à l'écriture. Créé en 1969 à Broadway, "Tokyo Bar" s'en fait le reflet et pour la première fois Williams s'incarne dans un de ses personnages, à travers Mark, peintre adepte du dripping, reconnu, mais pas encore immortel, dévoré par sa passion artistique. Dans cette pièce adaptée avec finesse par Jean-Marie Besset, nous assistons à la phase finale du délitement d'un couple d'américains venu s'échouer dans le bar d'un hôtel cossu de Tokyo, où la zénitude du cadre et le regard impassible du barman, contraste avec le drame qui se noue sous nos yeux.

Gilbert Désveaux, directeur adjoint du "Théâtre des 13 vents" de Montpellier signe avec originalité une mise en scène sans faille pour un casting judicieux:

Christine Boisson formée au Conservatoire national d'art dramatique, qui alterne avec brio le cinéma et le théâtre, est une remarquable Miriam qui se veut maîtresse de son destin et de ses émotions, bien à l'abri dans son "cercle de lumière", femme au charme vénéneux telle une orchidée noire, pour qui l'amour n'est qu'un jeu de séduction.

Alexis Rangheard, qui vient de jouer "Les chaises" de Ionesco, réalise ici une véritable performance dans le rôle difficile et éprouvant de Mark, peintre qui a tout sacrifié à sa passion créatrice, flirtant avec le génie jusqu'à la déraison, voire à en induire une pathologie neurologique.

Mathieu Lee, formé au cours Florent, né à Tokyo, était prédestiné pour incarner le barman à la gestuelle soucieuse de perfection, affichant ce détachement courtois qui caractérise les nippons.

Laurent d'Olce, ex-pensionnaire de la Comédie française campe avec subtilité Léonard, le galeriste faussement superficiel, plus préoccupé par la spéculation que par la réalité tragique du moment.

Le décor est sobre et beau, à deux niveaux délimités par la longue ligne horizontale du bar, avec en avant-scène un sol de nattes typique, tandis qu'en arrière-plan s'érige le dance floor sur lequel sont posés deux fauteuils "Sacco", symbole des années 68, mais aussi peut-être par leur design, de ce couple en perdition. Les effets de lumière de Martine André et les images projetées en fond d'écran de Serge Monségu soulignent le contraste entre le lieu et l'action.

Annabel Vergne a imaginé des costumes intemporels pour les comédiens et deux toilettes élégantes et sensuelles pour mettre en valeur la silhouette gracile de Christine Boisson.

 

Spectacle rare à ne pas manquer, tant l'excellence s'y conjugue au pluriel, pour le plus grand plaisir d'un public qui ne s'y trompe pas.

 

Tanya Drouginska

 

 

TOKYO BAR

de Tennessee Williams
Adaptation de Jean-Marie Besset
Mise en scène de Gilbert Désveaux
Avec Christine Boisson, Alexis Rangheard, Laurent d'Olce, Mathieu Lee et la participation de Farida Remada
Scénographie d'Annabel Vergne.
Costumes Annabel Vergne et Marie Delphin
Lumières de Martine André.
Images et son de Serge Monségu