Crédit Brigitte Enguerand

C'est une sorte de retour aux sources : l'auteur, Sébastien Thiéry, s'est fait connaître avec deux recueils de sketches « Sans ascenseur » et « Dieu habite Düsseldorf ». Il a ensuite triomphé avec des pièces comme « Cochon d'Inde » ou « Qui est M. Schmidt » ou encore, la dernière en date « L'origine du monde ». Il y donnait libre cours à sa verve incongrue, à son sens de la dérision mêlée de provocation.

« Tilt » reprend certains de ses premiers  sketches. On voit bien qu'en 2003 (9 ans seulement !) tout était déjà en place. On va donc assister à des variations sur deux personnages falots, qui sembleraient sortis d'un « Diablogue » de Dubillard, voire d'un dessin de Chaval. Et ils parlent. Ils s'interrogent. Ca commence petit et puis, rapidement, l'inavouable est dit. Il surgit et surprend, il peut même choquer : un tel ne parle plus aux femmes depuis le départ de son épouse. Un autre a fait empailler son père « de son vivant » ou bien a épousé une curieuse femme-chouette qui dort toute la journée, forcément. Celui-ci rencontre Dieu et, ô surprise, Dieu se prénomme Jacques et a ses habitudes dans une brasserie du XIV ème.

Comme l'écrit le metteur en scène Jean-Louis Benoît, qui fait ici un judicieux travail, « Ces deux personnages nous entraînent dans des endroits invraisemblables, dangereux parfois, des endroits dont on ne soupçonnait même pas l'existence. » Benoit a eu l'idée d'enchaîner les textes, sans noir apparent ou presque, de telle sorte que c'est une vraie histoire qui nous est racontée ici. Entre « monsieur 1 » et « Monsieur 2 », ce sont deux spécimens d'humanité qui nous sont présentés. On rit, bien sûr, mais on s'attendrit aussi devant cette quête d'amour ou de reconnaissance, qui semble être la matière brute sur laquelle travaille Thiéry. Il le fait sans pathos, par petites touches.

Double cadeau, l'auteur est aussi interprète et joue un des deux hommes. Il est le monsieur inquiet, comme traqué, pour qui tout est déterminant. Il joue son texte comme une tragédie et c'est juste la bonne façon. A ses côtés, Bruno Solo est plus nuancé, tout en tirant parfois son personnage vers le trouble, le délirant ou le psychorigide (voir le sketch concernant l'amitié, une petite merveille en soi !)

Une bonne occasion, donc, de découvrir l'univers de Thiéry (pour ceux qui l'ignorerait) ou de réviser ses classiques pour les inconditionnels, dont je suis.

Gérard Noël

 

 

Tilt

De Sébastien Thiéry.
Mise en scène : Jean-Louis Benoit.

Avec : Bruno Solo, Sébastien Thiéry, Anthony Cochin.

Décor : Jean Haas.
Lumières : Jacques Puisais.
Costumes : Marie Sartoux.  
Assistante à la mise en scène : Houdia Ponty.