TALKING HEADS II

Théâtre de l’Épée de Bois
Cartoucherie de Vincennes
Route du Champs de Manœuvre
75012 Paris
01 48 08 39 74

Jusqu’au 19 avril
les jeudis, vendredis et samedis à 20h30
samedis et dimanches à 16h00

 

Talking Heads II loupe

 

Voilà deux destins de femmes qui ne se connaissent pas, qui ne se connaîtront pas, qui ne se croisent même pas une fois. La première est une encore jeune vendeuse de grand magasin qui voue une passion obsessionnelle pour les chaussures, la seconde est retraitée et elle ne s’intéresse qu’aux plantes de son jardin. Alors que font-elles rassemblées sur la même scène d’un théâtre ? Elles n’ont rien en commun. Mis à part qu’elles sont anglaises bon teint et qu’elles vivent toutes deux dans la banlieue middle-class de Londres.

Ce sont deux monologues écrits par l’anglais Alan Bennet« Femme avec Pédicure » et « Nuits dans les jardins d’Espagne » que Claude Bonin a assemblé pour créer ce spectacle. Des portraits à base de sucre et de vitriol où le pathétique de ces vies sans grandeur frôle le ridicule. La plume d’Alan Bennet est si habile qu’on a envie dire que c’est trop facile de faire rire et sourire avec un texte so british ! où se mêlent naïveté et perversion dissimulée, douces obsessions et aveuglements, tout ceci baignant dans un puritanisme de façade beau comme un cliché.

Pourtant, la mise en scène de Claude Bonin ainsi que l’interprétation d’Emmanuelle Rozès et Bénédicte Jacquard font ressortir le côté touchant et fragile des personnages. Ce sont deux vertigineuses solitudes que ces deux Anglaises de la middle-class. Elles sont sur le chemin d’une vie si bien tracée, monotone, une vie qui semble se dérouler en dehors d’elles-mêmes, sans elles, jusqu’à ce que quelque chose, un grain de sable, leur révèle ce qui se passe derrière les murs et les jardins proprets, et aussi, et surtout, derrière les cerveaux aux allures de gentlemen des hommes qu’elles côtoient.

Le génie de ces deux histoires imbriquées l’une à l’autre dans ce spectacle est de partir d’un fait presque insignifiant pour chacune des deux héroïnes, un fait qui va se révéler aussi dévastateur qu’un cataclysme.

Le plateau est séparé en deux espaces. L’un est occupé par un gigantesque escarpin à talon aiguille. C’est là que va évoluer Miss Fozzard, incarnée avec espièglerie et sensualité par Emmanuelle Rozès. L’histoire commence le jour où elle est obligée de changer de pédicure. Les relations avec le nouveau praticien vont se révéler à la longue, révélateur de plaisirs proprement innommables.

L’autre partie du plateau est presque entièrement dévorée par une haie. C’est là, qu’un sécateur à la main et un tablier ceint à la taille, apparaîtra la naïve Mme Horrocks interprétée avec pétillance par Bénédicte Jacquard. Son histoire à elle commence le jour où une voisine presque inconnue lui confie qu’elle vient de tuer son mari. Une amitié naît de cette rencontre, et des révélations sur quelques perversions qui vont définitivement changer l’opinion de cette femme sur son époux.

La mise en scène toute en douceur et fondu enchaîné nous fait passer de l’une à l’autre histoire sans heurt, sans trouble, avec un appétit et une attente toujours renouvelée. Un vrai moment de plaisir que de savourer ces textes faits de feinte douceur sur un fond d’acidité, bon comme un ginger tonic, frais et piquant.

Bruno Fougniès

 

Talking Heads II

D’Alan Bennett
Traduction Jean Marie Besset
Mise en scène de Claude Bonin

Avec Emmanuelle Rozès et Bénédicte Jacquard

 

Mis en ligne le 7 avril 2015

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