Cruellement drôle

Sur le thème d'un tueur à gages qui souhaite se reconvertir dans le comique et réaliser un one man show, l'auteur, Gérald Sibleyras (La danse de l'Albatros avec Arditi) propose sans en avoir l'air une satire cruelle du monde du spectacle.

Parfaitement servie par une mise en scène précise et nerveuse de Jean-Luc Moreau et d'excellents interprètes, la pièce oppose un comique dépressif à un tueur à gages pathétique dans son délire de se croire artiste.

Les personnages caricaturaux et les dialogues décalés à l'humour mordant ont déclenché les rires pendant une heure quarante.

Grégoire Bonnet prête sa haute stature nonchalante au personnage de Laurent, auteur de skretches en mal d'inspiration depuis que sa femme l'a quitté.

Philippe Uchan est Cyril, tueur d'une drôlerie irrésistible dans sa naïveté.

Quant à Maurice, directeur du Festival du Rire de Morlaix où se retrouvent nos héros, il est campé magistralement par Gilles Gaston-Dreyfus, excessif à souhait. dans ce rôle de présentateur minable mais qui "s'y croit".

Le milieu du spectacle est souvent égratigné, théâtre intellectuel (avec une pièce de 27 heures !), vie en dents de scie des intermittents, artistes de second ordre qui se prennent pour des vedettes, codes de la profession (un spectacle n'est pas ennuyeux mais exigeant).

Les personnages se trouvent pris dans un jeu infernal, où les décors (de Sophie Jacob) se succèdent grâce à un système de plans coulissants et de toiles descendant des cintres, souligné de lumières d'une sobriété bienvenue créées par Fabrice Kébour.

Un bémol cependant: Il est dommage que l'auteur se soit embarqué parfois dans des digressions inutiles au lieu d'accentuer la charge, comme s'il n'avait pas osé aller trop loin, alourdissant le propos et surtout qu'il n'ait donné aucune épaisseur au seul rôle féminin, celui de la soeur du tueur. qui ne sert strictement à rien.

Le talent des interprètes et du metteur en scène devrait cependant emporter l'adhésion et permettre à chacun de passer vraiment un bon moment .

La pièce se joue du mardi au samedi à 21 heures, avec une matinée le samedi à 18 heures au Tristan Bernard.

Nicole Bourbon