SOUS-SOL
Théâtre de l'Épée de Bois
La Cartoucherie de Vincennes
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Jusqu'au 11 novembre
du lundi au vendredi 20h30
samedi à 16h00 et 20h30
C’est un huis clos sur un champ de mines. Et ces mines qui sont des secrets, enfouis dans le passé ou dans le non-dit, qui seront peu à peu révélés. La pièce de Josep M. Benet i Jornet est à la lisière de l’analyse psychologique des comportements et du thriller le plus noir. Elle met en jeu la rencontre de deux hommes que rien ne lie à priori et qui vont, au fil de l’entretien entamer, nouer une relation étrange.
Toute l’action se déroule dans la maison d’un des deux hommes. Le second semble avoir débarqué là par le plus grand des hasards : un accident évité de justesse alors qu’il traversait la rue en direction justement de cette maison. Bref, il semble que rien ne prédestinait cette rencontre. Pourtant l’homme ne traversait pas pour rien, distrait qu’il était par un détail aperçu sur la façade de cette maison de village…
Par petite touches, par esquives successives et grâce à un texte où le non-dit, le supposé et l’allusif sont utilisés d’une main de maître, l’un et l’autre des personnages finiront par se découvrir, se démasquer. Car une sourde histoire de disparition irrigue tout le dialogue qui ne cessera pas jusqu’au noir final.
Mais au-delà de cette quête de la vérité que mène l’homme qui a manqué de se faire écraser, Josep M. Benet i Jornet mène une autre quête, plus universelle, plus ancrée dans une réalité contemporaine : celle de la cruauté, de la banalisation de la souffrance du mal que notre époque semble prête à vénérer.
En dire plus serait dévoiler le trouble dans lequel nous plonge ce spectacle où pourtant rien n’est montré qui soit d’une violence quelconque, où tout passe par les mots, les regards, les silences. Une mise en scène extrêmement stylisée suffit à éviter tout côté statique. Une scénographie elle-même suggérée, où le nécessaire nous plonge suffisamment dans l’intérieur de cette maison presque anodine. Des lumières précises, qui rythme par moment les échanges.
Outre le texte élégant de cet auteur espagnol, il faut parler de la très belle interprétation des ces deux personnages. En particulier celle d’Hervé Petit (également à la mise en scène avec Catherine Perrotte) qui fait preuve ici d’une présence à la fois forte et légère, dans un rôle qui pourrait très facilement tomber dans le stéréotype et n’y tombe jamais, au contraire, un personnage qui reste toujours énigmatique et vaguement inquiétant. Le duo qu’il forme avec Antonio Labati fonctionne parfaitement. Ce dernier ne tombant lui non plus jamais dans la caricature facile, laissant poindre une fragilité plus grande, une incertitude plus profonde.
Ce spectacle, à coup sûr, restera dans les mémoires autant par la grâce de sa forme que par la noirceur de son propos. Une très belle réussite.
Bruno Fougniès
Sous-sol
Texte Josep M. Benet i Jornet
Traduction Denise Boyer
Mise en scène Catherine Perrotte et Hervé Petit
Création sonore Béatrice Laoût
Avec Antonio Labati et Hervé Petit
Mis en ligne le 3 novembre 2017