ROSTAM ET SOHRÂB |
Théâtre de l'Epée de Bois
Oh, le beau et profond spectacle que voilà ! C'est la Cie du Lierre (aujourd'hui, nous dit-on errante, faute de salle régulière) qui est à l'initiative de ce « Rostam et Sohrâb » (prononcer Sorob). Farid Paya a trouvé la matière de ce somptueux poème épique dans « Le livre des rois », (le Shâ-Namêh) une œuvre maîtresse de son pays, l'Iran. Il s'agit ici d'une quête initiatique, la recherche de son père par un enfant, très vite grandi. Rostam, guerrier farouche, héros de son peuple, a eu un fils qu'il ne connaît pas, Sorhâb. Celui-ci, vaillant guerrier du peuple ennemi, se met en tête de retrouver son père. Il y a des conseillers, des guerriers, un roi. De combats en combats, l'affrontement finit par avoir lieu. Sohrâb se laisse persuader que l'homme qu'il combat n'est pas son père. Nous n'en révèlerons bien sûr pas la fin. Tissée en vers musicaux par l'auteur, la fable se déploie magnifiquement, dans une mise en scène épurée. Côté décor, il y a tout au plus un panneau aux couleurs changeantes sur ce vaste espace. Les comédiens, tout autant chanteurs que danseurs nous font entrer peu à peu dans cette histoire : ils nous prennent par la main, comme les enfants que nous sommes restés, pour nous emmener où ils veulent, un palais ou un champ de bataille. Pour nous confronter au tragique de ces affrontements chorégraphiés au millimètre. David Weiss éclate dans le rôle de Rostam : puissant et solaire, il est l'homme idolâtré par un peuple qui se trouve confronté au double problème de la paternité et de l'âge, puisqu'un autre guerrier, plus jeune, vient le défier. Sa majesté, sa façon hiératique de bouger et ses regards de côté, emportent l'adhésion. En Sorhâb, Vincent Bernard a la jeunesse pour lui, justement. L'innocence lui colle à la peau et c'est à une vraie mue que l'on assiste, celle de l'enfant vers le héros. Tous les autres comédiens sont au diapason. Ils se mettent au service d'une histoire de guerre et de sang, une histoire aux arrière-plans philosophiques, bien sûr, une histoire où Shakespeare aurait pu puiser mille et une pièces. Citons aussi Guillaume Caubel, narrateur à la voix si prenante et, dans le rôle de la reine Tahmineh, Marion Denys. On ne saurait oublier de mentionner le travail sur les costumes, faits de belles étoffes bigarrées, qui participent, avec les éclairages très travaillés, à la magie du spectacle. Théâtre épique, donc, théâtre qui joue son rôle de transmetteur d'une fresque ancienne qui nous parle encore. Et comment !
Gérard Noël
Rostam et Sohrâb Mise en scène et écriture de Fardi Paya, d'après Le livre des Rois, de Ferdowsi Avec David Weiss, Vincent Bernard, Cédric Burgle, Marion Denys, Guillaume Caubel, Martin Delavenne, Thibault Pinson, Jean-Matthieu Hulin. Musique : Bill Mahder. Scénographie : Farid Paya, Evelyne Guillin.
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