RICHARD III

Théâtre De Belleville
94 Rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
01 48 06 72 34

Jusqu’au 8 mars 2015
Du mercredi au samedi à 21h15 et le dimanche à 17h00

 

loupe

 

Au milieu de la scène, un vaste bac à sable – à moins qu’il ne s’agisse d’un jardin zen ? – empli d’un gravier noir symbolise avec dérision les luttes de pouvoir qui secouent le trône d’Angleterre. Les habits de cour sont devenus des peaux de bêtes ou des manteaux de fourrure kitsch et les hommes de main ont troqué leurs poignards pour des gourdins, les ramenant à leur animalité sauvage, presque préhistorique. Des bêtes de scènes ? Les morts eux-mêmes sont des pantins et leur crâne n’est pas humain, mais probablement celui d’un chien ou d’un loup.

Dans cette version revisitée que proposent Margaux Eskenazi et Agathe Le Taillandier, on ne reconnaît pas toujours le Richard III que l’on connaît, ou que l’on croit connaître. C’est que ce n’est pas Richard III de Shakespeare mais Richard III d’après Shakespeare qui nous est donné à voir dans cette version tantôt pop, tantôt bouffonne, tantôt survoltée, qui use et abuse des ambivalences, comme s’il revendiquait comme une vertu cette bâtardise dont il est si souvent question dans la pièce originale. Le texte a été retraduit, raccourci et mâtiné d’autres œuvres (notamment des « Animaux fantastiques » d’Henri Michaux, extraits de Plume).

Le résultat est incertain car, en dépit du judicieux ajout d’une sorte de chœur qui est censé combler les ellipses pour expliquer les actions, les personnages sont assez difficiles à identifier et, surtout, la beauté ravageuse du texte shakespearien n’est pas magnifiée comme les spectateurs sont en droit de l’attendre. La faute, sans doute, à une mise en scène par trop fruste dont les effets de manche sont inégalement heureux, et peinent à installer l’univers de la pièce. Il faut particulièrement saluer, en revanche, le talent de deux comédiens qui se révèlent ici : celui d’Idir Chender d’abord, en Richard III qui compense sa non-difformité physique par un jeu très inspiré tout en noirceur et convulsions ; celui d’Eva Rami ensuite, qui interprète à la fois Élisabeth et Hastings et qui, avec sa diction remarquablement claire et précise, se montre aussi flamboyante dans le registre comique que dans le registre tragique. Il faudra suivre de près la carrière prometteuse de ces deux-là.

Frédéric Manzini

 

Richard III

D’après William Shakespeare
Traduit par Yohann Domenech, Margaux Eskenazi et Agathe Le Taillandier
Adaptation : Margaux Eskenazi et Agathe Le Taillandier
Mise en scène : Margaux Eskenazi
Dramaturgie : Agathe Le Taillandier
Costumes : Sarah Lazaro
Scénographie : Chloé Dumas
Lumières : Mariam Rency
Son : Antoine Prost

Avec : Idir Chender, Laurent Deve, Nelson-Rafaell Madel, Jean Pavageau,
Alice Pehlivanyan, Eva Rami

 

Mis en ligne le 29 janvier 2015

Merci de cliquer sur J'aime