Maison des métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud
75011 Paris
01 47 00 25 20

Jusqu’au 22 février
Du mardi au vendredi à 20h00, le samedi à 19h00 et le dimanche à 16h00

 

Voici donc l’essai autobiographique de Didier Eribon adapté pour le théâtre par Laurent Hatat, d’abord présenté à Avignon en 2014 et maintenant joué à la Maison des métallos. On ne pouvait rêver cadre plus idoine pour entendre un tel texte, car il s’agit bien de donner voix à la pensée critique d’un intellectuel engagé sur le terrain socio-politique. Échappé de son milieu d’origine populaire, celui qui se voit comme un transfuge de classes mesure mieux le caractère protéiforme des déterminismes sociaux, d’autant plus difficiles à conjurer qu’ils sont invisibles et qu’ils se nichent partout, du langage jusqu’aux multiples formes de la servitude volontaire ou de la domination d’autant plus hypocrite qu’elle revêt les faux habits de l’équité.

Force est de reconnaître que la dimension de dénonciation politique de ce Retour à Reims peine à justifier sa présence sur un plateau de théâtre. Les spectateurs sont placés au rang d’élèves à qui l’on tient un discours d’inspiration bourdieusienne finalement assez convenu.

Aussi le public partage-t-il l’interrogation du personnage interprété par Sylvie Debrun qui soudain interrompt celui que joue Antoine Mathieu : « À qui tu parles ? » demande-t-elle… Et d’un coup, la sociologie s’anime, elle devient incarnée et vivante à travers sa réécriture en un dialogue entre une mère et son fils que tout semble opposer et qui pourtant s’écoutent et se répondent tant bien que mal. L’incompréhension semble immense entre l’intellectuel parisien homosexuel de gauche et sa mère peu éduquée tentée par le vote FN. L’émotion n’arrive pas à se dire mais elle se dit quand même, elle passe entre eux et devient palpable sur le plateau. Ou comment une analyse sociétale est transformée en beau moment de théâtre par la grâce d’une mise en scène subtile et de deux beaux comédiens.

Frédéric Manzini

 

Retour à Reims

D’après l’essai de Didier Eribon
Adaptation et mise en scène : Laurent Hatat
Collaboration dramaturgique : Laurent Caillon
Création lumière et régie générale : Anna Sauvage

Avec : Sylvie Debrun et Antoine Mathieu