RÉPARER LES VIVANTS
Théâtre Paris Villette
211, av. Jean-Jaurès
75019 Paris
01 40 03 72 23
Jusqu’au 17 avril
« Enterrer les morts, réparer les vivants. » Tchekov
Le livre de Maylis de Kerangal m’avait bouleversé et j’attendais avec curiosité son adaptation théâtrale.
Que dire ? Si ce n’est que j’ai retrouvé la même émotion mais encore plus dense, plus profonde, ce que je ne pensais pas possible.
Quel travail ! Quel talent !
Tout est là de ce qui faisait la force du livre, ce texte repris par le comédien avec juste quelques coupes pour se centrer complètement sur le sujet, écrit avec une force vibrante, où les mots tour à tour se fondent ou se heurtent, un langage d’une précision chirurgicale, style soutenu alternant avec des phrases de tous les jours, voire des expressions d’adolescents.
Un texte que Vincent Dissez habite complètement, voix claire, diction nette, une voix qui peut chuchoter, ou exploser lorsqu’elle devient la violence de la colère, de l’incompréhension, de la douleur ou même parfois teintée d’humour.
C’est une histoire terrible qui nous est racontée là et qui nous touche parce qu’on se sent forcément concerné, nous qui sommes tous des morts en puissance même si on vit comme si on était éternels.
Une histoire où la vie devient mort et où la mort apporte la vie.
Pour laisser toute leur force aux mots, la mise en scène de Sylvain Maurice comme la scénographie, symbolique au plus haut point, et les lumières, signées Éric Soyer sont d’une éclatante sobriété : un portique comme ceux des aéroports encadre un tapis roulant, idée géniale, qui permet au comédien une formidable gestuelle, il paraît parfois surfer sur les vagues ou mener à perdre haleine cette course contre la mort. Au dessus, une mezzanine mobile, où prend place un musicien, Joachim Latarjet, qui accompagne et donne une pulsation aux mots, avec synthés, guitare électrique, trombone à coulisse, chant, bruitages.
Et tout cela nous transporte, le temps est suspendu, on n’est plus spectateur, on devient les différents personnages et on souffre et on espère et on se bat avec eux.
Voilà du vrai, du beau, du grand théâtre, et le public retient son souffle, un silence où vibre l’émotion règne dans la salle, qui se poursuit un moment après le noir final avant que n’éclate un tonnerre d’applaudissements et de « bravos ».
Nicole Bourbon
Réparer les vivants
D’après le roman de Maylis de Kerangal
Adaptation, mise en scène Sylvain Maurice, assistant à la mise en scène Nicolas Laurent
Avec Vincent Dissez, Joachim Latarjet
Scénographie, lumière Éric Soyer
Musique live Joachim Latarjet
Mis en ligne le 18 avril 2016