Théâtre de l’Opprimé
78/80 rue du Charolais
75012 PARIS
01 43 40 44 44
Jusqu'au 23 décembre 2011
Du mercredi au samedi à 20h30 et le dimanche à 17h
puis, début janvier, au Théâtre Mouffetard
Le « don Quichotte » de Cervantès est une œuvre tout à la fois épique et drôle, c’est aussi une méditation sur la vie et un immense clin d’œil littéraire. Il fallait oser s’y confronter, monter un spectacle à une interprète tirée de ce monument. Isabelle Starkier à la mise en scène et Eva Castro, comédienne l’ont fait. Et réussi. Bien sûr, on pourrait chipoter et dire que ce qu’on nous propose est une suite de scènes et qu’il manque un certain nombre de dimensions
au spectacle que l’on nous propose.
Il y en a, en tout cas, une qui compte et qui nous touche, la dimension théâtrale : elle a le mérite de mettre en scène le chevalier à la triste figure et son fidèle écuyer. Depuis ses débuts au Teatro Estable de Granada, en passant par des spectacles d’Ariane Mnouchkine, Eva Castro a prouvé son talent. Le fait est qu’elle est très douée : elle change de jeu et de mimiques (son masque, tragique, évoquant parfois un personnage de Goya). Elle transforme sa voix également.
Elle évoque, sans forcer, les personnages et les situations. Elle est à la fois conteuse et comédienne et la mise en scène est fertile en inventions et trouvailles. Dans un décor de toile et une aire de jeu dépouillée, à la Peter Brook, voici que vont de dérouler devant nos yeux d’enfant, la geste du Quichotte. On le verra trouver son nom et celui de ses proches (Sancho et Dulcinée, l’idéale fiancée) partir à l’assaut des moulins, libérer des forçats, revenir, à la fin, dans son village natal,…
Pour Isabelle Starkier, metteur(e) en scène, nous avons un Sancho imaginé par Quichotte et un Quichotte, créé par son écuyer/barbier. On ne saurait mieux dire et la mise en scène illustre parfaitement cette approche. Chacun est, en quelque sorte, le rêve de l’autre et les deux avancent cahin-caha, …comme deux pôles éternels de la nature humaine
Au départ, dans la lumière crue, il y a les murs en parpaings du théâtre, quelques projecteurs, les bancs sur lesquels prend place le public : rapidement, par la magie des lumières (de Bertrand Llorca), et du jeu, nous errons dans la Mancha, prenons pied dans un château somptueux ou sur l’île du Baratin que gouverne Sancho.
L’autre grande force du spectacle, c’est l’utilisation des marionnettes. Nous n’en dirons pas trop pour ne pas déflorer le spectacle, mais sachez que ces poupées de chiffon, créées par Anne Bothuon, trouvent vie, grâce au brio de l’interprète. Qu’il s’agisse de Sancho ou Quichotte, d’un vieux sage, voire de paysans lors d’un procès burlesque, nous y sommes, nous y croyons, …tellement que, vers la fin du spectacle, Eva Castro peut en faire l’économie.
« Rêver, à l’impossible rêve, … » ainsi chantait Jacques Brel dans la version musicale de l’œuvre. Ici, ces mots sont à prendre au pied de la lettre. Au pied de la scène. Dans cet espace magique où naissent et se développent des songes animés, pour le plus grand bonheur des spectateurs.
Gérard NOEL
Texte Miguel de Cervantès
Mise en scène Isabelle Starkier
Avec Eva Castro
Création pantins, costumes, décors Anne Bothuon Création
Lumière Bertrand Llorca
Dessins, peintures Jean-Pierre Benzekri
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