Théâtre de la Tempête – Cartoucherie de Vincennes
Rte du Champ-de-Manœuvre
75012 Paris
Tél. 01 43 28 36 36

Jusqu’au 15 avril
à 20h du mardi au samedi,
16h le dimanche

 

Photo Victor Tonelli 

Koltès est un explorateur de l’humain, des failles, des brisures de rêves et de réalités, des interstices entre les êtres et leurs façons de faire pour franchir l’espace entre leurs corps : entre désirs et violences, négoces et conflits, et manques.

Mais c’est surtout un homme de langue, dont le verbe coule à grand flot, qui ose distordre le temps et transforme les secondes en minutes, ou le contraire, avec une force de vie, une fougue qui s’immisce dans chaque phrase.

Dans sa mise en scène, Philippe Baronnet prouve son respect immense pour cet auteur. Le texte de Koltès est là, à la virgule près, au souffle près, au silence expressif. On entend, on comprend, on respire avec les personnages de cet étrange échouage raconté ici, une histoire qui parle directement à la conscience de notre monde en train de fondre et de se déliter. Mais ce n’est pas forcément la meilleure manière de donner du sang à cette pièce.

La scénographie, sur l’espace plein d’imaginaires possibles de la grande salle de la Tempête, semble bizarrement étriquée : un no man’s land de détritus et d’étranges pratos disséminés çà et là, fermé par un cyclo bleuté représentant le fleuve, où vont s’affronter certains personnages en clair obscur. Les éléments de décors semblent des obstacles mal intégrés par le jeu des comédiens.

Pourtant les interprètes sont totalement justes, émouvants, véridiques. Chaque scène devient vite passionnante grâce aux talents présents sur scène. Mais il nous manque l’élément liant – la situation émotionnelle – qui permet de porter l’action des personnages dans une dramaturgie forte, inscrite dans le contemporain, et que l’histoire nous prenne au cœur et à la gorge.

L’essentiel du réalisme de la pièce, à mon sens, est quoi qu’il en soit dans ce labyrinthe sans issue possible (Quai ouest du point de vue américain est le vieux monde) : à savoir un quai d’où aucun bateau ne part, où aucun bateau ne vient. Un état dans lequel notre point de vue européen peut se reconnaître. Mais les choix de mise en scène développés ici économisent la violence, la tragédie, la rugosité de ce monde et de la vie en général, décrits par Koltès qui savait de quoi il parlait.

Bruno Fougniès

 

Quai ouest

Auteur : Bernard-Marie Koltès
Mise en scène : Philippe Baronnet
Scénographie Estelle Gautier
Lumières Lucas Delachaux
Son Julien Lafosse
Costumes Irène Bernaud
Assistée de Hortense Gayrard
Dramaturgie Marie-Cécile Ouakil

Distribution : Louise Grinberg, Félix Kysyl, Julien Muller en alternance avec Erwan Daouphars, Marie-Cécile Ouakil, Teresa Ovidio, Vincent Schmitt, Marc Veh