PAS UN KOPECK
Théâtre Douze
6, avenue Maurice Ravel
75012 Paris
01 44 75 60 31
Jusqu'au 30 novembre
Du mardi au samedi à 20h30
Dimanche à 15h30
Crédit photo : La Compagnie Alcandre
La Compagnie Alcandre présente « Pas un kopeck », réunissant trois courtes comédies de Tchekov.
Il est vrai qu’on a souvent vu montés ensemble « La demande en mariage et L'ours » et que le monologue « Les méfaits du tabac » est la plupart du temps présenté en lever de rideau.
La Compagnie Alcandre a la bonne idée de lier les deux premières par le personnage de Nathalia Stepanovna, jeune fille dans la première devenue veuve dans la deuxième, en les séparant par la troisième jouée devant le rideau et marquant ainsi le temps écoulé.
Guillaume Dollinger, le metteur en scène, a pris le parti de jouer l’ensemble en farce, suscitant les nombreux rires du public scolaire présent lors de la première.
Il commence « La demande » en présentant d’emblée Nathalia comme une mégère tyrannisant son père, et Maïté Schvan s’en donne à cœur joie dans ce personnage de femme autoritaire et despotique ne laissant que peu d’espace au maladroit et souffreteux Ivan Vassilievitch Lomov, venu avec force hésitations demander sa main, excellemment interprété par Vincent Remoissenet déjà présent dans « Racine par la Racine » de la même Compagnie.
Sylvain Porcher prête sa solide carrure à Stepan Stepanovitch Tchouboukov, le père bien heureux de pouvoir enfin se débarrasser de son épouvantable fille.
C’est du pur divertissement avec les caractères portés à l’extrême, et cette demande en mariage qui tourne à la querelle de voisinage est des plus réjouissantes.
Dans « Les méfaits du tabac », Sylvain Porcher donne la pleine mesure de son talent comique en Niouchkine, petit homme malmené par son épouse qui le somme de donner cette conférence sur les méfaits du tabac lui qui est fumeur invétéré ! Toujours dans cette ligne de la farce, il est d’une efficace drôlerie qui gomme trop malheureusement à mon goût le caractère pitoyable et pathétique du personnage.
On retrouve Nathalia en veuve, dans le même décor que la demande en mariage. Vincent Remoissenet après son morceau de bravoure précédent se contente du rôle plus discret de Louka le valet, glissant à pas menus sur ses patins.
C’est au tour de Sylvain Porcher d’être mis en avant dans le rôle de Smirnov, un ancien officier d’artillerie grossier et coléreux venu réclamer le paiement d’une dette contractée par le défunt mari.
Le caractère volcanique de la veuve éplorée reprend vite le dessus dans une cinglante joute, son fort caractère finissant par séduire son adversaire !
Tchekov est maître en l’art de la comédie, maniant comique de répétition, de situation, de gestes, de mœurs, quiproquos et personnages hauts en couleurs tout en dénonçant à la manière de Molière les défauts de ses contemporains et les travers de la société russe de l’époque.
J’ai simplement regretté que le parti pris de la farce en donnant un portrait caricaturalement à charge de la femme, en attaque plutôt qu’en défense contre le machisme de l’homme, en ait effacé la subtilité, la tendresse, la légèreté et la profondeur, le côté poétique, romantique et passionné de l’âme russe au profit uniquement du rire. Mais c’est un choix et comme tel il est parfaitement réalisé.
Nicole Bourbon
Pas un kopeck
d'Anton Tchekhov
Mise en scène : Guillaume Dollinger
Avec : Maïté Schvan, Sylvain Porcher, Vincent Remoissenet
Mis en ligne le 13 novembre 2014