ONLY CONNECT |
Vingtième théâtre Quel impact peuvent avoir sur l'amour les moyens de communication modernes omniprésents dans nos vies ? C'est le thème développé par Mitch Hooper dans Only Connect, une pièce résolument de notre temps qui dresse un portrait sans concession de notre époque, véritable démonstration implacable et féroce . Mitch Hooper, d'une écriture brillante et ciselée qui suscite souvent le rire par des répliques incisives, nous promène dans l'univers de six personnages qui courent désespérément après l'amour dans une ronde « qui ne tourne pas rond » comme il la définit lui-même. Comme il ne se contente pas d'écrire, il assure également la mise en scène, et l'ensemble est véritablement bluffant. Les scènes courtes, dans un découpage très cinématographique, s'enchaînent dans un rythme échevelé qui fait paraître courtes les presque deux heures que dure le spectacle. Les personnages se croisent, s'échangent, se retrouvent pour mieux se perdre, les paroles se mêlent, on quitte un couple pour en retrouver un autre, puis on revient au premier dans des actions quasi simultanées, ponctuées sur l'écran qui occupe le fond de scène par les sms, textos, vidéos diverses qu'utilisent les personnages, dans une synchronisation époustouflante . Les six interprètes sont éblouissants de vérité et de virtuosité. Daniel Berlioux donne une véritable épaisseur au personnage de Robert, le psy, Anatole de Bodinat et Didier Mérigou sont parfaits dans leurs rôles d'hommes plus ou moins manipulés par leurs maîtresses. Car ce sont finalement les femmes qui mènent la danse dans ce ballet infernal. Jade Duviquet incarne avec subtilité l'épouse du psy et maîtresse de Franck puis de Didier, Gael Rebel est une Ariane toute en sensibilité et Sophie Vonlanthen en agent immobilier qui cherche désespérément l'âme sur sur les sites Internet nous émeut et nous fait rire souvent par sa spontanéité innocente. Ces êtres qui communiquent sans cesse – sonneries des portables, alertes des messages, webcam, contacts illusoires –, qui ne parviennent plus à conserver leur intimité dans cette technologie intrusive, se retrouvent finalement bien seuls. Aussi seuls qu'avant. Et peut être même davantage. Voilà un spectacle qui touche le spectateur, qui le fait réfléchir. On en sort secoué, ébranlé, avec comme une envie de jeter au panier nos ordinateurs et nos portables. Tout au moins, ne rêvons pas, de les oublier un instant.
Nicole Bourbon Only Connect De Mitch Hooper Avec Daniel Berlioux, Anatole de Bodinat, Jade Duviquet, Didier Mérigou, Gaël Rebel et Sophie Vonlanthen Assistante à la mise en scène : Isabel de Francesco
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