ONCLE VANIA

Théâtre de la Ville
2, place du Châtelet
75004 Paris
Tel : 01 42 74 22 77

Jusqu'au 22 mars
Du mardi au samedià 20h30, les dimanches à 15h.

Merci de cliquer sur J'aime
Mis en ligne le 9 mars 2014

Oncle Vania

La scène du Théâtre de la Ville est grande. C'est un vertige de plonger le regard dans ce vide, y chercher un appui. Éric Lacascade a choisi de faire vivre les personnages de Vania dans cet espace démesuré. 

L'histoire se déroule à la fin d'un été torride dans la propriété du professeur Sérébriakov. Après une vie passée en ville, il vient y vivre sa retraite en compagnie de sa nouvelle femme Elena. C'est la fin de sa vie : il est malade, souffrant, tyrannique. Son installation a bouleversé toutes les habitudes de ceux qui vivent dans la maison depuis toujours : sa fille d'un premier mariage, Sonia, l'oncle Vania, sa belle-mère admiratrice du grand homme. Ce sont eux les héros de la pièce : des personnages dans l'ombre. De ceux qui laissent aux autres, aux gens reconnus comme le professeur, la capacité d'agir, de vivre, d'aimer et de se faire aimer. Ils ont tout sacrifié pour cet homme. Et c'est l'heure où ils s'aperçoivent que leur vie n'a été que labeur et admiration pour quelqu'un qui ne le mérite pas. L'heure où ils pensent aux vies qu'ils auraient avoir si…

Mais raconter la pièce serait fastidieux. Lisez-là.

Nos personnages sont donc perdus dans ce vide, obligé de courir à droite à gauche, de faire des déplacements chorégraphiés pour habiter l'espace, de déplacer d'immenses panneaux qui figurent par la suite l'intérieur de la maison et d'autres accessoires de scène : une espèce de marche forcée où l'histoire des passions dévorantes qui les agitent se dilue.

C'est une manière d'occuper le plateau qui paraît à certains moments futile, inutile, et qui renforce encore l'impression de voir des faiseurs (de talent sans conteste) plus que des comédiens. On ne peut à aucun moment être touché par ces personnages qui eux-mêmes semblent si peu touchés par leurs propres existences.

Sans doute est-ce pour déjouer l'image douloureusement mélancolique et nostalgique de Tchekhov que Éric Lacascade construit ses personnages en leur injectant une sorte de légèreté systématique.

Mais à ce régime, le médecin de campagne Astrov devient une sorte de docteur House plus blagueur que touché par le délabrement de la province. Il tient ses propres passions à distance, et on ne croit pas un seul instant en son attirance pour Elena, la femme du professeur.

Mais tous les personnages apparaissent dans la même nébuleuse : comme s'ils étaient à distance de leurs propres vies, vaguement anesthésiés, incapable de ressentir une vraie douleur comme un vrai rire. On passe plus de deux heures à assister à des taquineries de grandes personnes qui paraissent de grands enfants légèrement attardés.

Et puis survient, au bout de deux heures quarante, le cri d'oncle Vania, dans le noir final, comme s'il se réveillait d'un mauvais rêve, comme pour tenter de donner finalement un frisson d'émotion à la salle.

Un cri qui vient presque incongru à la suite de ce ballet huilé, sans heurt et sans risque, construit par Éric Lacascade.

 Bruno Fougniès

 

Oncle Vania

D'après Oncle Vania & L'Homme des bois d'Anton Tchekhov, adaptation et mise en scène
Éric Lacascade d'après la traduction d'André Markowicz et Françoise MorvanCollaborateurs artistiques Daria Lippi, Eric Didry
Scénographie Emmanuel Clolus
Lumières Philippe Berthomé
Costumes  Marguerite Bordat
Son Marc Bretonnière
Musiques originales Alain d'Haeyer
Assistante à la mise en scène Noémie Rosenblatt

Avec
Jérôme Bidaux, Jean Boissery Orlovski, Arnaud Chéron, Arnaud Churin (du 5 au 16/03) /Philippe Frécon (du 18 au 22/03), Alain d'Haeyer, Stéphane E. Jais, Ambre Kahan, Millaray Lobos Garcia, Jean-Baptiste Malartre, Maud Rayer, Laure Werckmann