Au Lucernaire
53 rue Notre-Dame des champs
75006 Paris.
Tél. : 01 45 44 57 34
Du mardi au samedi à 20h
Jusqu'au 1er septembre
Magnifique et prenant. Un vrai tour de force de deux interprètes bouleversants de force et de justesse au service d'un texte fort et puissant non dénué de pointes d'humour.
Assurément un spectacle à ne pas manquer si vous voulez éprouver émotions et frissons.
Il faut dire que l'auteur est David Mamet dont on avait déjà pu apprécier le style cet hiver avec la pièce « Race » interprétée entre autres par Yvan Attal.
Il est ici adapté par Pierre Laville et on y retrouve en toile de fond les mœurs typiquement anglo-saxonnes si souvent décriées par l'auteur et qui tendent de plus en plus à s'imposer chez nous.
Pouvoir des mots, incommunicabilité, sont ici les points dominant de ce duel féroce qui oppose un professeur d'université et son élève et qui tourne peu à peu au thriller psychologique se terminant par un retournement de situation violent et pathétique.
Marie Thomas est l'élève. Visage pointu de petite souris craintive au début, elle nous émeut par sa parole hésitante, sa gestuelle renfermée, la détresse qu'elle arrive à exprimer par tout son corps. Et on la voit peu à peu se transformer au fil de l'histoire lorsque toute cette colère qui la paralysait explose enfin. Elle devient alors toute autre, dure, tendue, inébranlable dans sa folle idée de ce qu'elle estime être sa justice, véritable passionaria
représentant tous ceux qui se sentent – parfois à tort – rejetés et humiliés.
David Seigneur, grand, carré, donne toute sa force et son épaisseur au personnage du professeur, sûr de lui, un peu condescendant, paternaliste et qui va peu à peu voir ses certitudes et sa vie s'écrouler sans qu'il puisse s'extraire de la situation insensée où il se trouve piégé.
La mise en scène sobre et extrêmement précise de Patrick Roldez laisse toute leur importance aux mots et sert à merveille ce texte aux répliques cinglantes, incisives et sans concession, où les passions s'exacerbent. Utilisés par petites touches pour ne pas distraire le spectateur de ce qui est l'essence même de la pièce, les déplacements, les légers changements de tenue, l'utilisation de l'énorme bureau qui occupe seul tout l'espace, vont accentuer ce
sentiment de mur impossible à abattre.
On reste en haleine d'un bout à l'autre et on se sent en empathie successivement avec l'un ou l'autre des deux protagonistes, tour à tour proie ou prédateur dans cette fable dérangeante et ambigüe qui ébranle nos certitudes, rendant tout manichéisme parfaitement utopique.
Nicole Bourbon
Oleanna
Auteur : David Mamet
Auteur du texte français : Pierre Laville
Avec : Marie Thomas et David Seigneur
Mise en scène : Patrick Roldez
Scénographie : CXlaude Plet
Lumières : Alexandre Dujardin
Musiques : David Georgelin
Costumes : Agnès Sargeni
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