Photo Camille Goudard

Le poète Jean Richepin écrivait après avoir vu  Occupe-toi d'Amélie :
« Je suis pétrifié d'admiration devant le mathématicien, l'horloger, l'ingénieur, le Vaucanson, le Blaise Pascal, l'Edison, le thaumaturge, le démiurge qui invente, rêve, combine, construit, remonte, fait marcher imperturbablement et impeccablement une machine aussi compliquée (...) sautant comme une marmite close et  bourrée de tous les explosifs du rire. »

Un siècle plus tard on est toujours époustouflé par cette incroyable maîtrise, cette stupéfiante virtuosité à manier les situations les plus inextricables, à enchaîner péripéties et quiproquos variés à un train d'enfer, à mettre en bouche des dialogues percutants et hilarants, à créer des personnages hauts en couleur étrangers à fort accent, militaires d'opérette, princes de pacotilles, courtisanes effrontées et bourgeoises pas si honnêtes que ça. Le tout recouvrant une peinture cynique et sans concession de la société de l'époque.

Occupe-toi d'Amélie ne déroge pas à la règle même si ce n'est pas la meilleure de ses comédies, sorte de joyeux fourre-tout dans lequel on retrouve nombre de scènes et de « ficelles » de certaines  pièces antérieures.

Il faut pour que ça fonctionne à plein des comédiens aguerris et parfaitement rôdés à l'exercice infiniment difficile du vaudeville, capables de mener l'intrigue tambour battant et de faire ressortir tout le sel des situations et des répliques.

La version proposée par Henri Lazarini avec une mise en scène brillante, précise et très dynamique, est toute proche de remplir les conditions, le rythme est soutenu comme il se doit,  mais la distribution est assez inégale et il  manque de temps à autre un certain savoir-faire, une façon de lancer les répliques qui du coup tombent parfois à plat ne suscitant pas autant de rires qu'elles devraient.

Certains comédiens sortent vraiment du lot, Frédérique Lazarini superbe Amélie, rouée, généreuse et gouailleuse, Cédric Colas et Stéphane Douret, parfaits, Marc Henri Lalande, hilarant Van Putzeboum avec en plus un véritable talent de pianiste (il joue quelques morceaux pendant les changements de décor) et surtout Kevin Dargaud, véritable révélation, qui campe un Maharadjah d'anthologie, une vraie nature comique.

Le reste de la troupe ne démérite pas loin de là  mais paraît  légèrement en deçà.

Pierre Gilles a quant à lui réalisé un superbe travail aux décors et costumes. Avec son bel hommage à Braque, il crée un écrin inattendu et peu habituel, (sans portes à faire claque) de toute beauté.

On passe donc un excellent moment, Feydeau fait toujours recette et la salle était pleine.

Nicole Bourbon

 

 

Occupe-toi d'Amélie

de Georges Feydeau
Mise en scène Henri Lazarini

Avec Bernard Ménez, Frédérique Lazarini, Cédric Colas, Stéphane Douret, Marc-Henri Lamande, Elisa Ménez, Kevin Dargaud, Michel Baladi, Pierre-Thomas Jourdan, Lydia Nicaud, Sandra Emond,Mélody Crémel, Thomas Ganidel, Mathieu Wilhelm

Décor et costumes  Pierre Gilles, assisté de François Gergès, Anne-Marie Lefèvre et Juliette Autin
(Pierre Gilles a créé ce décor pour rendre hommage à Georges Braque)

Chapeaux  Christine Guilbert
Lumières Cyril Hames
Régie  Charlotte Montoriol
La robe de mariée d'Amélie est de « Zélia sur la terre comme au ciel »