Étrange spectacle que celui donné au Théâtre des Enfants Terribles (ex-théâtre des Songes, pour ceux qui se souviennent) : il s'agit en effet d'un mélange de morceaux filmés (et projetés) et de scènes jouées par les mêmes comédiens. On ne voit pas très bien, au début, où cela veut en venir. Bien sûr, présenter en gros plans les comédiens et nous permettre ainsi de faire connaissance avec eux est une bonne idée. Nous avons là Boris, convaincant quand il nous affirme qu'il
n'est pas comédien, pas acteur non plus et qu'il va s'occuper davantage du filmage. Voici Matthias, présentant bien, et promettant beaucoup. Kevin, pâle et hésitant. Quant à Morgane, elle cache, pour le moment, son côté cassant de cheftaine. Françoise, qui s'occupe par ailleurs de la mise en scène est douce et sensible. S'ensuit un morceau faussement improvisé, où la violence forcée du propos peine à convaincre. Elle ne bluffera que ceux qui n'ont jamais assisté à de vraies répétitions. Heureusement, tout est
prêt, on peut commencer. Commencer par un extrait de « Macbeth », enchaîner par « Antoine et Cléopâtre », tous deux du grand Will. Là, les comédiens font ce qu'ils savent faire, ils jouent, ils jouent juste et c'est presque moins intéressant que le reste.
Une belle image frappe, celle d'une femme (Morgane en lady Macbeth) tendant un tissu rouge. On en demanderait d'autres, mais on reste sur sa faim. Les éclairages redeviennent plus sages, moins inventifs, fonctionnels, en quelque sorte. Les deux bourgeois pochards de « l'affaire de la rue de Lourcine » sont amusants, tout au plus, même si la nudité de l'un (Kevin) crée quelque chose d'étrange que Labiche n'avait pas du prévoir. Nous avons droit, au passage à une reprise,
dans l'autre sens et plus vite, de la même scène. Pourquoi pas ? Entre temps, de longs plans filmés sur la bande, ses tics, ses disputes : à propos d'un pain au chocolat, de l'égoïsme supposé de Françoise. On en apprend plus sur les uns et les autres. On est touché. On rit, parfois et le spectacle s'achève par un simili débat dirigé par Morgane en harpie, plutôt crispante dans l'excès.
Qu'en retenir ? L'originalité de l'approche. Plutôt qu'à un enchaînement de morceaux choisis, comme les cours de théâtre en proposent rituellement, ils ont agrémenté l'approche de variations en simili-impro et de témoignages filmés. De quoi les apprécier au naturel ou faux naturel, en gros plan signifiant (c'est là, par parenthèse que certains manifestent beaucoup de sensibilité et une réelle présence). Les amis, présents dans la salle sont aux anges. Les autres spectateurs
un peu moins mais le spectacle se laisse voir et a l'avantage de nous présenter de nouveaux jeunes talents. Ce qui est toujours intéressant.
Gérard NOEL
Nulle part mais quand
Avec Boris Carré, Matthias Claeys, Kevin Dez, Morgane Lory, Françoise Roche.
Scénographie : Fabrice Anthore.
Vidéos : Boris Carré.
Lumières : Nicolas Ameil.
Collaboration technique : Julien Hogert