IL FAUT QU'UNE PORTE SOIT OUVERTE OU FERMÉE
Théatre Le Ranelagh
5 rue des Vignes
75016 Paris
01 42 88 64 44
Jusqu'au 30 mai 2014
Jeudi et vendredi à 19h, Dimanche à 15h
Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée a le charme de ces comédies-proverbes de Musset qui paraîtraient désuètes si les questions qu'elles posent n'avaient pas gardé toute leur saveur.
Voici donc un comte énamouré reçu chez elle par une marquise à laquelle il entend faire la cour. Mais il se trouve dans l'embarras, car comment séduire une jolie femme sans lui dire qu'elle est jolie, puisque ce compliment facile et éculé l'ennuie, et qu'elle attend autre chose de son soupirant ? Le vrai-faux badinage amoureux qui s'ensuit offre un chassé croisé entre les points de vue masculin et féminin d'une étonnante fraîcheur ; « et les femmes, est-ce que ça leur plait de vous plaire ? » lance la marquise à son prétendant interloqué qui n'attendait pas tant d'esprit de la part de celle dont il se voyait déjà faire la conquête.
La mise en scène de Claude Gisbert, qui joue par ailleurs le Comte, est très sobre : le choix de donner la représentation dans le foyer plutôt que dans la salle respecte la volonté de l'auteur d'en faire un « spectacle dans un fauteuil » destiné à être lu dans un salon.
Mais est-il vraiment opportun d'encadrer la pièce par deux compléments qui sont d'une facture bien différente ? Celui de la faire précéder d'un soliloque adapté du poème À Ninon : « si je vous disais pourtant, que je vous aime », est déjà discutable. En revanche, la faire suivre d'« Au bord du lit » de Maupassant constitue non seulement une dissonance, mais une véritable faute de goût : « quelques années plus tard », autrement dit après maintes infidélités de la part du monsieur – qui n'est donc pas parvenu à « fermer » la porte –, il ne reste plus de sa passion sincère qu'une libido monnayable.
Même si on a le droit de penser que les histoires d'amour finissent mal, il y a de la cruauté à donner ainsi raison au méchant cynisme de Maupassant contre la naïveté maladroite mais romantique de Musset. Plus encore que la comtesse, c'est bien Musset qui est finalement trahi.
Frédéric Manzini
Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée
D'après Alfred de Musset
Mise en scène Claude Gisbert
Avec Delphine Ledoux et Claude Gisbert