Mon cœur a des bretelles se présente comme « une comédie  boulevaromantique déjantée ». La pièce raconte l'histoire de Marie (charmante Laura Bensimon, mais c'était sa dernière ce soir-là), une jeune femme qui, parce qu'elle se juge ennuyeuse et craint de perdre l'amour de Mathieu (Danilo Sekic, moins convaincant)  avec qui elle est en couple, entreprend de tout faire pour mieux le séduire.

Elle se fait « aider » pour cela, plus ou moins volontairement, par ses deux amis, Alex et Natascha,  autoproclamés respectivement spécialiste en relooking et psychologue. C'est d'ailleurs un problème récurrent dans l'écriture même de la pièce de Guillaume Beaujolais : parce que ces deux amis sont supposés avoir à leur disposition les clés de l'appartement, ils y surgissent ou en disparaissent à tout instant, même dans les moments d'intimité du couple, sortant parfois du rideau ou de derrière le canapé. Ce n'est pas grave, se dira-t-on, c'est un artifice théâtral commode et amusant, et peut-être même rendu nécessaire par l'exiguïté de la  scène des Blancs Manteaux. Mais ce n'est pas tout : à plusieurs reprises, les péripéties, les changements trop rapides d'humeur des personnages et autres rebondissements s'avèrent assez incompréhensibles ou illogiques, comme c'est par exemple le cas de la scène mexicaine ou celle dans laquelle Alex devient très subitement menaçant pour Mathieu.

Il n'est donc pas évident que le public soit tout à fait emporté par le rythme qu'on veut lui imposer. Ce n'est certes pas sur le terrain de la crédibilité que l'on attend une pièce comme celle-ci, dont l'histoire n'est rien qu'un prétexte à une accumulation de gags et surtout de clins d'œil à la culture populaire dont le seul but est ouvertement de faire rire le public. Reconnaissons sans pinailler qu'elle y parvient assez souvent, grâce au grotesque des situations qui s'enchaînent, quitte à recourir pour cela aux clichés les plus éculés avec les personnages d'Alex en gay de service et de Natasha en dominatrice vêtue de cuir (à l'accent allemand… forcément !).

Ceux-ci sont interprétés jusqu'à l'excès par Vincent Escure et Séverine Bozkurt, qui prennent manifestement un réel plaisir à incarner ces caricatures. Mais celui du spectateur n'aurait-il pas été plus grand avec davantage de subtilité ?

Frédéric Manzini

 

 

Mon cœur a des bretelles

De Guillaume Beaujolais
Mise en scène : Séverine Bozkurt assistée par Guillaume Beaujolais

Avec en alternance: Laura Bensimon, Agathe Jolivet, Lina Lamara ou Vanessa Caillol (Marie), Adrien Laligue ou Danilo Sekic (Mathieu et M. Pète-Sec), Vincent Escure ou Jonathan Gimbort (Alex), Séverine Bozkurt ou Marion Champenois (Natasha)