LE MISANTHROPE

 

Éternel Molière

Tchékhov, Shakespeare, Musset : Françoise Maimone n’en finit pas de s’attaquer aux classiques qu’elle n’hésite pas à revisiter avec inventivité et passion.

Ce fut en effet, un vrai régal que ce Misanthrope. Le décor, les costumes (de notre époque), le jeu des acteurs, les éclairages, tout a contribué à rendre des plus actuelles cette pièce qui a pourtant plus de 400 ans (création le 4 juin 1666).

Le décor est d’une sobre beauté : quelques pans de murs décalés, des marches, trois chaises. Un éclairage en clair-obscur souligne un monde de salon de faux semblants dans lequel les personnages passent, silhouettes fuyantes.

L’hypocrisie sociale que dénonçait Molière prend ici tout son relief et bien des vers pourraient s’appliquer de nos jours : « Je ne trouve partout que lâche flatterie, Qu' injustice, intérêt, trahison, fourberie ; »

Les acteurs sont exceptionnels : leur jeu très moderne rend accessible la langue de Molière qui semble ici couler de source. Alceste (manteau long, foulard vert, (Françoise Maimone n’est pas superstitieuse)) est bougon, colérique, moqueur, ironique, emporté, voire violent. Célimène est plus provocante que coquette : dans sa robe du soir de soie rouge, elle est sensuelle, aguicheuse, allumeuse. Oronte a déclenché les rires, le ton, la voix, les mimiques en font un vieil homme ridicule que l’on ne peut malgré tout s’empêcher de plaindre face aux moqueries d’Alceste, tant il parait humain.

La mise en scène crée un climat étrange et surprenant. Alceste porte Célimène dans ses bras, semblant la ramener un peu ivre d’une folle soirée, il la caresse, l’embrasse, la frappe. Célimène joue avec sa chaussure haut lacée, elle ondule, montre ses cuisses.

Belle trouvaille surtout que l’apparition du serviteur qui ouvre et clôt le spectacle : il apparaît dans la pénombre, portant un chandelier, seul éclairage, sur quelques notes paraissant sortir d’une boîte à musique. Il parcourt l’espace scénique en prenant son temps. À l’ouverture, il met de l’ordre, semblant tout préparer pour son maître, à gestes lents et mesurés. Au final, il range et nettoie l’espace de tous les médiocres sentiments qui s’y sont installés.

Il met les chaises à l’envers, souffle les bougies : l’humaine comédie est terminée.

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