MARGUERITE ET MOI (Duras, libre parole)

Théâtre De Belleville
94 Rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
Tél 01 48 06 72 34
Les 27 et 28 mai 2013, 19h

Florilège d'extraits d'interviews et d'entretiens qu'elle a donnés entre 1970 et 1990, ce spectacle explore l'humanité de Marguerite Duras.

La voilàsur scène, avec sa constante et insatiable curiositè, presque de l'innocence face à un monde qu'elle trouve irrémédiablement mal fichu, même pas absurde. Un monde qui, au lieu de tendre vers le bonheur des hommes et des femmes, semble s'ingénier à produire systématiquement de la souffrance, de l'incompréhensible, de l'injustice et de l'illusoire.

On retrouve ici, magnifiquement bien incarné par Fatima Soualhia-Manet, l'esprit volatile, sautillant mais déterminé de l'intellectuelle de gauche. Un esprit qui s'intéresse à tout ce qui fait la vie : dans sa bouche, toute chose touchant à l'existence humaine est importante, que ce soit du domaine purement pratique que de l'ordre intellectuel ou créatif. La même intensité surgit de ses phrases lorsqu'elle fait l'éloge de l'omelette vietnamienne ou qu'elle se moque des vacances moutonnière des aoûtiens, que lorsqu'elle énonce l'éhec du communisme en Union Soviétique ou la nécessité vitale pour le monde qu'il aille à sa perte pour que l'égalité se répande, que le sort commun devienne vraiment commun. Qu'il n'y ait plus cette tentative d'économie sordide de l'oligarchie financière mondiale.

Dans quel état de stupéfaction serait-elle aujourd'hui face à la monstrueuse machine financière et économique qui broie chaque jour un peu plus d'êtres humains ?

Tout cela nous est donné dans une douce mise en scène, sorte de circulations géographiques faites d'étapes lumineuses, une déambulation entre la cuisine, la chambre, le studio d'interview et un bord de plage, sorte de respiration visuelle et sonore projeté en fond de scène comme un rêve passé, un souvenir qui accompagne. Des nappes d'ambiances captées dans les bruits de la ville ouvrent encore un peu plus cet échange sur le monde, le quotidien, les êtres humains dans leur simplicité, véritable sujet et obsession de Duras.

Elle est comme une personne un peu isolée que le monde vient interpeller sur des sujets aussi divers que la différence entre les hommes et les femmes, le communisme, l'alcoolisme, la cuisine. Cette insistance du monde est incarnée par Christophe Casamance qui apparaît, disparaît, s'efface ou s'impose, questionne ou commente, provoque ou fait accoucher. Ce sont des interventions qui rythment le spectacle et permettent de passer de l'aveu au dialogue, voire à la confrontation.

Et puis il y a ces moments forts, ces moments de vérité toute pure, de vie, comme les quelques phrases où Duras parle de son alcoolisme – elle en parle aussi simplement qu'un sportif – la retraite parlerait de sa carrière passée – toujours avec la même sincérité : – C'est Dieu, l'alcool. Le monde est vide et voilà, tout à coup, il y a Dieu et le monde est bon et resplendissant.

Marguerite Duras, éternellement inconsolable face à l'humanité.

 

Bruno Fougniès

 

Marguerite et moi (Duras, libre parole)

Conception, réalisation et interprétation de Fatima Soualhia-Manet & Christophe Casamance
Idée originale de Dominique Terrier, responsable artistique de la Cie Métro Mouvance
Scénographie de Ludovic Billy
Création vidéo de Fatima Soualhia-Manet
Création sonore de Thomas Matalou
Lumières de Flore Marvaud
Costumes de l'Atelier Louna