MADAME ZOLA
Théâtre Petit Montparnasse.
31, rue de la gaité
750014 Paris
01 43 22 77 74
Jusqu’au 1er décembre 2019.
Du mardi au samedi à 21h, matinée le dimanche à 17h.
Tout le monde connaît Émile Zola, romancier à succès, journaliste, critique d’art, chef de file incontesté du naturalisme mais l’on connaît beaucoup moins sa femme Alexandrine Zola qui pourtant participa amplement à la survie de l’œuvre de son illustre époux.
Annick le Goff en a pourtant fait un portrait admirable, servi par une écriture subtile, posant ici et là des touches passionnées, des élans d’anticonformisme, une écriture de rupture parfois autoritaire, excessive mais souvent drôle sous couvert d’une profonde solitude et d’un désarroi palpable avec l’excellente idée de la mettre face à Fleury, sorte de confesseur, de psy amateur, apothicaire charlatan de son état à qui elle va dévoiler les secrets d’une vie de couple hors du commun.
L’action se passe au lendemain du transfert des cendres de Zola au Panthéon, six ans après sa mort, c’est donc un deuxième enterrement qu’elle vient de vivre, choc émotionnellement fort qui va lui faire revivre le film en noir et blanc de sa vie passionnée dans un tourbillon de souvenirs. Elle, qui fut lingère sous le nom de Gabrielle, modèle d’Édouard Manet où elle figure en arrière-plan du Déjeuner sur l’herbe, deviendra Alexandrine en épousant Zola. Elle va se hisser par amour à la hauteur de son écrivain de mari, l’un des plus célèbres de son époque. Passionnée, trompée une seule fois mais avec deux enfants illégitimes qu’elle adoptera, jalouse, exubérante, elle le suivra jusque dans l’affaire Dreyfus jusque dans son exil à Londres après le procès pour diffamation suite à l’article « J’accuse » paru dans l’Aurore. Elle criera au meurtre pourtant jamais prouvé après l’intoxication mortelle mais suspect de son Émile. Troublante au début, la relation avec Fleury et Alexandrine deviendra presque complice sans doute pour soigner les maux tourmentés de leur couple respectif au passé et au présent.
Dans le confort d’un intérieur bourgeois et guidée par une mise en scène très juste et bien amenée, Catherine Arditi incarne à la perfection cette femme fragile et volontaire, elle est tout simplement Madame Zola avec le talent de servir passionnément ce très beau texte sans aucune fausse note face à Pierre Forest impérial dans son rôle d’herboriste illuminé, imbu de sa personne qui peu à peu fera craquer sa carapace. C’est un très beau moment de théâtre historique mais qui fait surtout passer de l’ombre à la lumière une femme d’exception.
Patrick Rouet
Madame Zola
Autrice : Annick Le Goff
Mise en scène : Anouche Setbon assistée de Sophie Gubri
Avec Catherine Arditi et Pierre Forest
Décor : Oria Puppo
Costumes : Juliette Chanaud
Lumière : Laurent Béal
Musique : Michel Winogradoff.
Mis en ligne le 4 octobre 2019