LOVE

Théâtre du Petit Saint-Martin
17 rue René Boulanger
75010 PARIS
01 42 02 32 82
À partir du 15 mai 2012, du mardi au vendredi à 21h.
Le samedi 15h et 21h.


Photo Christophe Castejon

On rejoue donc la pièce de Murray Schisgal, « Love », et ceci sans qu'elle ait pris une ride. À sa création, en 1965, par Laurent Terzieff, elle devait avoir une saveur nouvelle, celle d'une sorte de boulevard intello, avec un zeste de psychologie assorti d'une réflexion sur le sens de la vie.

La trame, tout d'abord : Suite à un traumatisme, le brillant et prometteur Harry est au bout du rouleau. Il s'est clochardisé et n'aspire plus qu'à se jeter du haut d'un pont. Survient un cadre dynamique, Milt, qui reconnaît là un de ses anciens condisciples. Confessions, confidences : la vie de Milt s'avère elle aussi compliquée. Il n'aime plus Hélène, mais elle refuse le divorce. L'idée que Harry épouse sa femme lui vient. Et justement, elle arrive, se laisse séduire par ce paumé et part avec lui. Mais tout n'est pas si simple puisque la femme que Harry aimait se révèle fainéante et acariâtre. Lors de retrouvailles avec Hélène, l'ex, Harry penserait volontiers à la ré-épouser. Mais il y a Harry, qui n'a pas vraiment changé : toujours dépressif et velléitaire. Et si il mourait, pour de bon ?

Passons sur les péripéties de la fin, abracadabrantes, mais toujours drôles, y compris dans l'accumulation. Au passage, Schisgal aura raillé le mode de vie américain, réglé son compte au mariage et pointé du doigt la différence fondamentale entre les hommes et les femmes et surtout les rôles que la société prétend leur faire jouer. Ainsi Hélène est brillante intellectuellement mais elle accepterait, au nom du bonheur conjugal, de se cantonner à sa cuisine et à l'éducation des enfants. L'essentiel n'est pas là : Schisgal a retenu les leçons de Feydeau et de Strindberg : au théâtre, on peut tout oser, comme montrer des personnages qui font assaut de détails sordides pour gagner le match de l'enfance la plus malheureuse. Leur faire se poser des questions essentielles : « En quoi est-ce que tu crois ? », jeter dans le débat la mention d'un viol ou faire tracer par une femme qui se sent délaissée, un tableau mensuel de ses rapports sexuels. Parodier une comédie musicale. Tout passe. On rit. On suit aussi ces allers retours, ces aléas de l'amour en espérant que tout le monde s'en sortira sans trop de casse.

Saluons le travail de Jean-Laurent Silvi. Dans un décor ingénieux, il a assuré une mise en scène inventive et efficace. Il joue aussi Milt, un rôle où une sorte de candeur (à l'américaine) voisine avec une foi absolue en l'avenir. Même ses moments d'abandon restent toniques. Jean Adrian (Harry) est une révélation en vieux gamin halluciné qui n'a jamais trouvé le chemin de l'âge adulte. Il tombe, se relève, gémit, hurle, n'arrivant pas à croire à ce qui lui arrive : l'amour, d'abord, puis la séparation, la solitude dans laquelle il va se retrouver. Julia Duchaussoy, derrière ses lunettes strictes, va du désespoir à l'exaltation. Elle fait surtout exister une femme partagée entre sentiments et raison.

Un spectacle délirant qui mérite d'être vu. Et comment !

 

Gérard NOEL

 

 

Love

Mise en scène : Jean-Laurent Silvi

Avec Julia Duchaussoy, Jean-Laurent Silvi, Jean Adrian.
Décors : Agostino Pace.
Lumières : Eric Milleville.
Costumes : Pascale Bordet.
Son : Michel Winogradoff.