LILIOM ou La vie et la mort d’un vaurien
Théâtre de l’Odéon – Ateliers Berthier
1 rue André Suarès (angle du boulevard Berthier)
75017 Paris
Tél 01 44 85 40 40
Jusqu’au 28 juin
du mardi au samedi à 20h, dimanche à 15h
Photo : Pascal Victor/ArtcomArt
Les Ateliers Berthier accueillent pour un mois ce spectacle qui a été joué en début de saison au TGP de Saint-Denis dirigé par Jean Bellorini. Mais sa création remonte à 2013, à Montpellier, une création en plein air qui avait séduit critiques et publics de l’époque.
Le plateau est totalement occupé par un manège d’auto-tamponneuses et deux caravanes, l’une fermée, l’autre ouverte comme une boîte de conserve où s’entasse l’orchestre : piano/orgue, harpe, cuivres et batterie sur le toit. En fond de scène une grande roue figurée par des centaines d’ampoules jaunes. Partout, des néons, blancs ou colorés. C’est la fête foraine qui a envahi tout l’espace au point que l’espace de jeu pour le déroulement de la pièce se trouve très étriqué et comme tordu car ce décor à la fois réaliste et enfantin fait prendre cette histoire pour un conte onirique.
Mais il n’y a pas que le décor qui soit très travaillé, pensé, nourri dans la mise en scène de Jean Bellorini : la musique, les chants chorals ou solos (spécialement un air de Lidwine de Royer Dupré qui s’accompagne à la harpe), la lumière, les costumes, le jeu des comédiens, le texte. Chaque élément qui forme ce spectacle est de l’ordre de la précision, chaque scène est parfaitement jouée par des comédiennes et des comédiens puissants, inventifs et sensibles. Il n’y a que le choix inutile et scolaire de faire dire les quelques lignes de didascalies de chaque début de tableau par le batteur de l’orchestre qui paraît une faiblesse évidente et ralentit sans cesse l’histoire. Tout le reste est réglé comme sur du papier à musique.
Et pourtant, il manque à ce spectacle quelque chose d’assez indéfinissable, peut-être une pulsation de vie susceptible de se propager aux spectateurs, peut-être une révolte qui semble absente du plateau.
La pièce de Ferenc Molnár est pourtant une œuvre âpre, plongeant ses inspirations dans le monde populaire, une pièce qui peut faire penser par certains aspects à la pièce de Büchner écrite trois générations plus tôt, Voyzeck, elle fait aussi penser à Von Horvath et son Casimir et Caroline. Dans Liliom, Ferenc Molnár prend le prisme de la fête populaire pour observer les hommes et leur société.
Jean Bellorini préfère mettre en avant l’histoire sentimentale plutôt que l’aspect social de la pièce de Ferenc Molnár. C’est le lien particulier qui unit les deux héros qu’il étudie. Liliom et Julie s’aiment-ils ? Oui, ou non, peut-être. Ce qui est sûr c’est que par la faute de cette rencontre, tous deux se retrouvent sans emploi, sans existence sociale, vivant aux crochets d’une vieille tante. Ils sont l’un pour l’autre la cause du malheur. Au point qu’aucun des deux ne supporte le regard de l’autre où il ne lit que le reproche de cette déchéance. Au point que la violence éclate.
Un couple attachant dont les personnalités sont très bien dessinées par Julien Bouanich et Clara Mayer.
Il reste que ces deux personnages disent non, fort, jusqu’à préférer le vol à l’esclavagisme du travail et la mort à l’emprisonnement pour Liliom, jusqu’à préférer une vie de labeur et de misère à un mariage arrangé pour Julie. Deux révoltés, deux idéalistes qui se dressent contre les règles de la société et qui refusent de se soumettre aux lois.
Les personnages qui gravitent autour de ces deux héros sont tous extravagants, caricaturaux, tous plus bouffons que dangereux. Des personnages inspirés beaucoup plus par l’univers du cabaret que l’univers forain dans lequel la pièce baigne. Aucune tension réaliste n’est possible dans ces affrontements, à croire qu’un haussement d’épaule suffirait à les faire disparaître. Cela nuit un peu à la pertinence de la trame.
Malgré tout, on apprécie chaque scène car chaque scène est monté comme un numéro : numéro d’acteur, de travestissement, de musique ou de chant. C’est ce qui est frustrant dans ce spectacle : voir tant de qualité nous laisser à distance par excès d’esthétisme.
Bruno Fougniès
Liliom ou La vie et la mort d’un vaurien
De Ferenc Molnár traduction Kristina Rády, Alexis Moati, Stratis Vouyoucas
Mise en scène Jean Bellorini
Scénographie et lumière Jean Bellorini
Costumes Laurianne Scimemi
Musique Jean Bellorini, Lidwine de Royer Dupré, Hugo Sablic, Sébastien Trouvé
Avec Julien Bouanich, Amandine Calsat, Julien Cigana, Delphine Cottu, Jacques Hadjaje, Clara Mayer, Teddy Melis, Marc Plas, Lidwine de Royer Dupré, Hugo Sablic, Sébastien Trouvé, Damien Vigouroux
Mis en ligne le 1er juin 2015