LETTRES À FELICE

Au Théâtre de l'Atelier
Place Charles Dullin
75018 Paris
01 44 06 49 24

Jusqu’au 1er juillet 2018
Les vendredis 8, 22 et 29 juin, les samedis 9,16,23,30 juin, les dimanches 10, 24 juin et 1 er juillet à 19h.

 

Lettres à Felice loupe 

En l'occurrence, on nous convie à une pièce qui n'est pas tout à fait une pièce... plutôt une lecture de lettres que le jeune Kafka adressa (et il en écrivit beaucoup !) à Felice, sa première fiancée.

Le dispositif est très simple : une table avec fauteuil, une chaise... délimitant vaguement deux espaces dans lesquels se déplacent les comédiens : Dominique Pinon est Kafka... oui, on arrive à passer asssez bien sur l'âge et Isabelle Carré est (pense-t-on) Felice. Seul hic, on n'a droit a aucune des lettres de Felice, juste celles de Franz. D'où le trouble parfois, quand Isabelle Carré lit à son tour... il ne s'agit nullement d'une réponse (oubliez vos vieux réflexes de spectateurs moyens !) mais d'autres missives de Kafka.

Révélatrices, ces lettres ? Sans doute. Le futur auteur de « La métamorphose » s'y livre sans retenue. À côté de nouvelles sur ses états d'âmes...  de santé, il fait des allusions à l'œuvre en cours. La juge « répugnante ».

Il se plaint aussi. Il évoque ses difficultés à écrire... affirme qu'il s'y épuise.

Il fait des reproches à Felice : Pourquoi ne se voient-ils pas plus, pourquoi ne se voient-ils pas dès la prochaine semaine ? Pourquoi ne se voient-ils pas tout court ?

Felice est de bonne composition, du moins on l'imagine.

Elle fait même des efforts, quand il lui est reproché de ne pas écrire assez.

« J'ai lu votre lettre vingt fois... » clame Kafka, porté à interprêter les moindres détails de ce qui lui est écrit ou raconté.

De mademoiselle, il passe à chère mademoiselle, à Felice, puis « chérie ». Le tutoiement arrive assez vite.

Pinon bougonne un peu, mais excelle à faire ressentir les moindres souffles de cet être hypersensible. Isabelle Carré est juste et sobre et forme un contrepoint heureux à l'écrivain en devenir.

Il y a bien sûr un côté assez répétitif dans ces courriers. L'hypocondrie de Kafka y éclate à plein, de même que son côté associal... dont il est conscient.

Des trouvailles, bien sûr, comme : « Plus un mot, rien que des baisers ! » Ou encore : « Si je te perdais, je me jugerais perdu. »

L'ambiguïté est bel et bien présente avec cet aveu : «  Tu es mon propre moi. »

Au final, ce court spectacle n'est pas dénué de qualités. Il organise des déplacements « parlants » des comédiens sur la scène. Il offre, en creux, un portrait qui permet d'aller plus loin dans la connaissance de Kafka. Les interprètes sont au service des lettres... et la soirée, souvent émouvante.

Gérard Noël

 

Lettres à Felice

Adaptation et mise en lecture : Bertrand Marcos.

Avec : Isabelle Carré et Dominique Pinon.

Lumières : Patrick Clitus
Costumes : Florence Tavernier.

 

Mis en ligne le 12 juin 2018