LETTER TO LARRY |
Théâtre de Nesle (grande salle)
Broadway, 1960. Loge de Vivien Leigh. La comédienne, 47 ans, se prépare à endosser le costume de Paola dans le drame en trois actes de Jean Giraudoux, « Pour Lucrèce », qui va se jouer dans quelques minutes... Mais une bombe à retardement vient de lui éclater entre les mains : son mari, Sir Laurence Olivier, son « Larry », l'Amour de sa vie, son mentor, son double, son héros, lui demande le divorce par simple courrier postal. Son personnage de Paola lui renvoie alors un reflet spéculaire inversé : femme infidèle sur scène, elle subit à son tour, par le prisme déformant d'une vérité intolérable, cet outrage qui va l'entraîner dans une irrémédiable descente aux enfers personnelle. Vivien et Larry avaient tout pour eux : le talent, la beauté, le charisme, la force commune, cette fusion/passion qui font de ces couples de Monstres sacrés des Aigles à deux têtes. Quid de ces volatils funambules quand la réalité dépasse la fiction ? Que se passe-t-il quand l'un des deux décide de trancher la tête de l'autre afin de recouvrer sa liberté ? En perdant son rang de lady Olivier, elle perdra tout. Même l'enfant qu'elle porte ne verra pas le jour. Vivien va s'acharner à rédiger une réponse à l'attention de Larry. Mais qu'objecter à ce Roi qui vient d'achever sa Reine, sans sommation ? Elle ne sait pas, elle ne veut pas, ne peut pas. Elle veut mourir, se jeter d'une falaise. Tout lui fait mal, trop mal. Ces séances d'électrochocs qui l'affaiblissent toujours plus, jour après jour ces cigarettes qui creusent sa tuberculose... ce Jack Merrivale, ersatz d'époux idéal, qui n'arrivera jamais à la cheville de Larry et Larry Larry, qui a branché cette perfusion permanente reliant désormais Vivien à cette folie autodestructrice lente, insidieuse et sans appel, qui va la mener au fond des plus noirs abîmes, contre lesquels elle tente de lutter à contre-courant. En vain. Pour incarner cette femme à la fois puissante et si fragile, il fallait une interprète de génie qui SOIT Vivien Leigh, et non pas qui « fasse » du Vivien Leigh, comme on « fait » du Marilyn ou du Bardot. Susie Lindeman réussit ce tour de force à la fois troublant et impressionnant d'accompagner, à la fois physiquement, émotionnellement et vocalement, cette destinée tragique. Successivement Scarlett O'Hara, Blanche DuBois, Cléopâtre, la petite Vivian du couvent du Sacré-Cur, lady Olivier en conférence de presse, ou encore terrifiante psychotique se tordant dans les affres de crises nerveuses récurrentes, Susie Lindeman tient le spectateur en haleine, en tension et attention pendant presque 1 h 30. La mise en scène de Wayne Harrison et la création lumières de Martin Kinnane sont sobres, belles, efficaces, et mettent en valeur Susie Lindeman à la hauteur de son talent. Gageons que ce « seule en scène » rencontrera, dans les prochains mois, le succès international qu'il mérite amplement.
Natalia Fintzel-Romanova
Letter to Larry De Donald MacDonald Avec : Susie Lindeman Metteur en scène : Wayne Harrison
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