LES ILLUMINATIONS
L'Essaïon
6, rue Pierre-au-Lard
75004 Paris
01 42 78 46 42
Jusqu’au 10 mars, les lundis et mardis à 21h30
« Voici le temps des Assassins »
Inutile de présenter cette série de poèmes de « L’homme aux semelles de vent » comme il a été surnommé. Arthur Rimbaud, le poète juvénile inventeur avec cette série de textes, du vers libre français. Des poésies qui font partie des plus belles pages de la littérature. Et pourtant, une redécouverte à chaque fois nouvelle de ces illuminations qui semblent presque toutes partir dans toutes les directions sans colonne vertébrale identifiable.
« J’ai seul la clef de cette parade sauvage »
Nicolas Thuet est un grand lecteur rimbaldien. Il connaît son sujet. Il ne cherche pas à donner une cohérence, ni une leçon. C’est avec humilité, simplicité qu’il met en scène ce spectacle, avec respect mais aussi avec une volonté de rendre sensible ces textes parfois paraboliques.
« Dans un grenier où je fus enfermé à douze ans j’ai connu le monde, j’ai illustré la comédie humaine. »
Ils sont quatre sur scène : deux comédiens, une comédienne et un pianiste. Le verbe de Rimbaud surgit de l’un, de l’autre, parfois comme en dialogue dans un même texte, parfois, en écoute. Et l’on comprend grâce à cette manière par moment chorale de dire, que le thème central de toutes ces histoire, est bien ce verbe capable d’inventions infinies.
« Je suis un inventeur bien autrement méritant que tous ceux qui m'ont précédé; un musicien même, qui ai trouvé quelque chose comme la clef de l'amour »
Des textes qui possèdent une part de rêve gigantesque, des textes qui distillent parfois un apaisement, des textes qui consolent, des textes qui flamboient aussi et donnent envie de courir à travers le monde, la tête dans les nuages et hurler de bonheur, des textes qui sont aussi comme de la beauté sculptée par les mots. Mais sans mièvrerie, sans mythologie sinon celle du contemporain, du progrès, une tentative de transformer le présent, le réel, les villes, les usines, en luminescence et en contes.
« J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse. »
On sent dans ces poèmes et dans la mise en scène de ce spectacle comme un mouvement de vague qui s’élance à l’assaut du monde, jette son écume, brille dans la lumière du ciel pour finir par se retirer, laissant la côte nue, aride, coupante à vue, avant qu’une nouvelle vague poétique revienne changer les perspectives.
Durant ce beau voyage, Bob Boisadan est là, dressé devant son piano, ses doigts volent sur le clavier, ses notes se glissent sous les mots de Rimbaud, les porte, les ouvre, il est d’une présence absolument incroyable, faisant corps avec les comédiens, avec les mots, avec l’imaginaire même où l’on est emporté. Loin, très loin du récital poétique, le spectacle est transcendé par la musicalité des ses compositions.
Bruno Fougniès
Les illuminations
Auteur : Arthur Rimbaud
Mise en scène : Nicolas Thuet
Musique originale : Bob Boisadan
Avec : Nicolas Thuet, Maud Philippon, Vincent Favre et Bob Boisadan au piano.
Mis en ligne le 9 février 2015