LES ENFANTS DU PARADIS
Au Lucernaire
53 rue N.D des Champs
75006 PARIS
01 45 44 57 34
Jusqu'au 30 mars
du mardi au samedi à 20h et le dimanche à 15h.
Christophe Gsell
Tout le monde, enfin peut-être pas « les moins de vingt ans », a en mémoire le film fleuve de Marcel Carné, avec une histoire et des dialogues de Prévert. Voilà qu'on le remet sur le tapis, en l'occurrence une petite salle du théâtre le Lucernaire. Avec quatre comédiens. Ainsi, le boulevard du Crime (boulevard du temple, où abondaient les petites salles où d'horribles mélos étaient joués) va revivre sous nos yeux. La douce Garance va hésiter entre un mime, Baptiste Debureau et un comédien, Frédérick Lemaître. Elle va faire ami-ami avec un assassin, l'anarchiste Lacenaire et vivre aussi une relation avec un comte.
On s'interroge : comment cette longue et superbe histoire d'amour (enfin ces histoires) vont-elles surnager. Survivre. Exister, enfin.
Philippe Honoré a fait une adaptation qui ne démérite pas. Il a gardé la crème, l'essentiel, même si, évidemment, beaucoup de choses sont perdues. On est frappé, par contre, quand il n'y a plus le secours de l'image, de constater à quel point la prose de Prévert tourne parfois à vide. Ressasse. S'écoute faire des bons mots. « Mon vrai prénom, c'est Claire, dit Garance, Claire…comme de l'eau de roche ! » Peut-être aurait-il fallu couper aussi dans la matière même des dialogues.
Il y a de bonnes idées : celle de présenter ce spectacle comme un hommage, qui s'autorise quelques digressions et adresses au public, plutôt bien venues. Chaque comédien jouant plusieurs rôles, on fait de Lacenaire un double maléfique de Baptiste. C'est réussi. Moins convaincant, par contre, le fait que Debureau, qui est tout de même un mime …ne mime rien. On aurait souhaité aussi, même sur une petite scène proche du public, plus de théâtral, plus de grotesque. Et les scènes en boite n'apportent pas grand-chose.
En bref, gardons en mémoire le jeu des comédiens, enthousiastes et élégants. Le fait, aussi, que la petite musique de Prévert, à force d'insistance, finit par être prenante : cet imbroglio racinien « Nathalie aime Baptiste qui aime Garance qui aime Frédérick » devait avoir une conclusion et Baptiste et Garance font enfin l'amour. Bien trouvée, également, cette façon d'enchaîner des scènes, avec de brèves interruptions, comme si on était au cinéma.
Tandis que le noir se fait, résonnent encore quelques répliques : « La jalousie est à tout le monde, si les femmes ne sont à personne ! clame Frédérick, tandis que la pauvre Nathalie commente : « Ce n'est pas grand-chose de souffrir, tout le monde le fait ! ».
Gérard Noël
Les enfants du paradis
Adaptation : Philippe Honoré.
Mise en scène : Philippe Person.
Avec : Yannis Bougeard, Florence Lecorre-Person, Philippe Person ou Pascal Thoreau, Sylvie Van Cleven.
Lumières : Alexandre Jardin.
Décor : Vincent Blot.
Costumes : Marion Robillard et Bédite Poupon-Joyeux.