LES ÉCLATS DU BAL
L'Auguste Théâtre
6 Impasse Lamier
75011 Paris
01 48 78 06 68
Mardi 12, jeudi 14,vendredi 15, mardi 19, jeudi 21, vendredi 22 avril.
On ne saluera jamais assez le courage et l’audace des petites salles et des petites compagnies qui seules osent présenter des œuvres originales loin des sentiers battus.
C’est ce qui se passe en ce moment à l’Auguste Théâtre qui propose les mercredis et vendredis soirs un spectacle tout à fait inattendu, surprenant, étonnant, singulier, une vraie découverte d’un auteur russe dont j’avoue n’avoir jamais entendu parler auparavant et d’une équipe épatante qui s’est emparée de ce matériau unique avec une inventivité, une maîtrise et un savoir faire formidables et tout à fait réjouissants.
Pascal Crantelle qui met en scène a également écrit le prologue et l’épilogue, qui permettent une mise en abîme du spectacle et nous en apprennent un peu sur ce prince de l’absurde qu’était Daniil Harms, mort interné en hôpital psychiatrique à trente-six ans en 1942 en pleine URSS stalinienne.
C’est un assemblage de textes qui ont le plus souvent ni queue ni tête, qui se terminent la plupart du temps abruptement, c’est fragmentaire, absurde, burlesque, humoristique et tout empreint d’une cruauté terrible, d’une ironique dérision et parfois d’une violence insupportable.
De ces textes étonnamment puissants dans leur apparente simplicité, Pascal Crantelle et le chorégraphe Stéphane Puault fabriquent une œuvre qui vous laisse pantois, ébahi, parfois déconcerté, sidéré mais toujours fortement intéressé. On s’amuse beaucoup de situations loufoques qui ne cessent de déraper, de personnages improbables, de phrases inattendues, de réactions imprévisibles, on sourit, mais on est aussi parfois brutalement ému d’une émotion qui vient vous prendre tout à coup par surprise entre deux rires. Car c’est toute une époque terrible qui vous saute ainsi à la figure, et qui, bien que tempérée d’un humour toujours sous jacent, n’en est pas moins épouvantable, la vision dérangeante d’un monde devenu fou.
Mais textes et idées ne seraient rien sans deux comédiens d’exception pour les porter, capables de manier aussi bien l’art du conteur, que celui du clown, du comique ou du tragédien, dans une danse macabre où la gestuelle prend force et sens, accompagnée d’un choix de musiques signées Stravinsky, Rachmaninov et Chostakovitch.
Harold Crouzet devient ainsi une foule de personnages plus invraisemblables les uns que les autres qu’il rend avec une sincérité qui parvient à les rendre crédibles, d’une moue, d’une onomatopée, d’un rictus, d’un déplacement soigneusement étudiés. Il me confiait à la sortie avoir hésité à accepter ce projet insensé, Dieu lui rende grâce de l’avoir accepté.
Il est accompagné en étonnant contrepoint par Aline Lebert, une comédienne étrange, qui joue avec maestria d’un physique à la Yolande Moreau, visage phénoménalement mobile, voix puissante qu’elle module à sa guise, diction impeccable, présence intense. Il faut l’entendre dans le texte « Un Français a reçu en cadeau un divan quatre chaise et un fauteuil. », cette façon qu’elle a de lancer les mots, ce « Français » qu’elle balance en faisant passer une foule de sentiments uniquement dans l’intonation.
Pour terminer, je vous livre un extrait, à vous d’imaginer ce que cette troupe inspirée en a fait, puis courez vérifier pour une découverte que vous n’oublierez pas.
À propos de Pouchkine
Il est difficile de dire quelque chose de Pouchkine à qui ne sait rien de lui. Pouchkine est un grand poète. Napoléon est moins grand que Pouchkine. Et Alexandre Ier, II, et III ne sont que des bulles de savon en comparaison de Pouchkine. Et tout le monde n’est que bulle de savon en comparaison de Pouchkine ; mais en comparaison de Gogol, c’est Pouchkine qui est une bulle de savon.
C’est pourquoi plutôt que de Pouchkine, je vais vous parler de Gogol.
Mais Gogol est si grand qu’il est impossible de dire quoi que ce soit à son sujet ; c’est pourquoi je vais quand même vous parler de Pouchkine.
Mais après Gogol, parler de Pouchkine est un peu offensant. Et de Gogol impossible. C’est pourquoi je préfère ne rien dire du tout.
Nicole Bourbon
Les Éclats du bal
De : ’Daniil Harms et Pascal Crantelle
Réalisateur et Metteur en Scène : Pascal Crantelle
Avec : ’Aline Lebert et ’Harold Crouzet
Chorégraphie et costumes : Stéphane Puault
Toiles peintes : Patricia Burkhalter
Mis en ligne le 25 février 2016
Actualisé le 15 mars 2016