LES DERNIERS JOURS DE L’HUMANITÉ
Comédie-Française
Théâtre du Vieux-Colombier
21 rue du Vieux-Colombier
75006 Paris
01 44 39 87 00
Jusqu’au 28 février 2016
Du mercredi au samedi à 20h30
les dimanches à 15h00 et les mardis à 19h00
Par rapport à la Seconde Guerre mondiale, la Première donnerait presque l’impression de faire pâle figure. Le dernier « poilu » mort il y a plusieurs années, la chose semble désormais appartenir aux livres d’histoire. Et pourtant, il y a tout juste un siècle, l’Europe était ravagée par la guerre et ne s’en est jamais remise. L’humanité elle-même n’a-t-elle pas été atteinte dans son être par ce déchaînement sans précédent de violence ?
Comme pour lutter contre l’oubli, c’est une véritable plongée dans la vie quotidienne au temps de la Grande Guerre que donne à voir et à entendre David Lescot, fidèle à l’intention et à l’écriture de l’œuvre « monumentale » de Karl Kraus. Il transforme pour cela la scène en véritable musée vivant en faisant se succéder à un rythme rapide de multiples saynètes qui vont de la conversation de café la plus triviale aux chansons d’époques en passant par des lettres lues ou des projections d’images d’archives. Les abjections répondent à la bêtise et à la méchanceté et y renvoient comme par un jeu de miroirs. Chaque comédien multiplie les rôles, chacun dans son registre : Pauline Clément émeut par la fraîcheur de sa gracilité, Sylvia Bergé se fait lyrique tandis que Denis Podalydès excelle en clown ridicule et génial et Bruno Raffaelli en géant crépusculaire et inquiétant.
Tous donnent à voir une humanité en lambeaux, une humanité agonisante sous le poids de sa propre infamie. Quand on se rappelle que ce ne fut là que le premier acte d’autres massacres à grande échelle dont le XXe siècle s’est fait le triste témoin, on se dit que l’être humain n’avait pas fini de sombrer. Et l’on se dit que Kraus avait peut-être raison de juger qu’une certaine humanité est restée au fond des tranchées.
Frédéric Manzini
Les Derniers Jours de l’humanité
De Karl Kraus
traduction : Jean-Louis Besson et Heinz Schwarzinger
Mise en scène : David Lescot
Avec : Sylvia Bergé, Bruno Raffaelli, Denis Podalydès et Pauline Clément.
Piano : Damien Lehman
Scénographie : Alwyne de Dardel
Costumes : Sylvette Dequest
Lumières : Laïs Foulc
Vidéo : Serge Meyer
Conseiller artistique aux images d’archives : Laurent Véray
Mis en ligne le 30 janvier 2016