LES CARTES DU POUVOIR
Théâtre Hébertot
78bis boulevard des Batignolles
75017 Paris
01 43 87 23 23
Jusqu'au 30 novembre
Du mardi au samedi à 21h00
Matinées samedi à 15h30 et dimanche à 18h00
Impressionnant !
Impressionnant déjà par le sujet qui nous montre les coulisses pas très reluisantes d'une campagne électorale. Un monde brutal où tous les coups sont permis, où intrigues, trahisons, mensonges et coups bas se succèdent, où personne ne joue réellement cartes sur table, et qui ne redonne pas foi en la politique en ces temps pour le moins troublés.
Impressionnant par le texte, intelligent, brillant, riche, sans indulgence aucune ni concession, mais où pointe souvent des notes d'humour bienvenues, écrit par Beau Willimon, scénariste de House of Cards, la fameuse série télévisée. Quelqu'un qui sait de quoi il parle puisqu'il a été partie prenante dans une campagne électorale aux États-Unis.
Impressionnant par la mise en scène, conçue comme un thriller, menée à cent à l'heure, nerveuse, d'une redoutable précision, avec des séquences quasi cinématographiques, signée Ladislas Chollat, un des metteurs en scène actuels incontournable.
Impressionnant par les décors splendides, très modernes, composé de modules mobiles représentant différents lieux avec une utilisation judicieuse de projections vidéos qui renforcent le style cinéma, voitures qui circulent, impression de foule, avion qui décolle dans un bruit assourdissant (la scène de l'aéroport est véritablement bluffante).
Impressionnant par la bande son, on ne peut plus adéquate, qui renforce les situations là aussi comme une musique de film.
Impressionnant enfin par l'interprétation. Thierry Frémont qui avait incarné dans un téléfilm Nicolas Sarkozy et Raphaël Personnaz plus habitué du grand écran où il jouait entre autres le fonctionnaire chargé d'écrire les discours du Président dans Quai d'Orsay – déjà les coulisses du pouvoir – incarnent les deux rôles principaux avec une conviction qui force l'admiration, Thierry Frémont le directeur de campagne honnête, puissant, mais aussi impitoyable et Raphaël Personnaz, l'attaché de presse, tour à tour orgueilleux, infatué de sa personne, coléreux, puis perdu, pathétique, qui confirme sur les planches qu'il est un grand comédien.
Ils sont entourés de Julien Personnaz, le frère de Raphaël pour la première fois sur scène, très juste dans le rôle de Benjamin, le futur jeune loup, de Francis Lombrail, le directeur de l'Hébertot, étonnant en directeur de campagne adverse, manipulateur et cynique, de Jeoffrey Bourdenet et Adel Djemai qui parviennent à donner une belle épaisseur aux deux personnages secondaires du journaliste et du barman. Et les deux seuls rôles féminins dans ce monde assez macho, Élodie Navarre qui a campé cet été à Avignon une intéressante Célimène loin de la frivole coquette habituelle, ici une journaliste ambitieuse très réaliste et Roxane Duran, véritable révélation en jeune stagiaire lâchement utilisée. Éblouissants, tous.
Tout au long de l'intrigue habilement menée et jusqu'au final au goût amer – Show Must Go On, n'est-ce pas – le public est captivé, littéralement scotché à son siège, comme prisonnier d'une tension qu'il libère enfin dans une immense ovation amplement méritée.
Indéniablement, un des grands succès de cette rentrée théâtrale.
Nicole Bourbon
Les cartes du pouvoir
d'après Farragut North de Beau Willimon
Mise en scène : Ladislas Chollat
Avec : Raphaël Personnaz, Thierry Frémont, Elodie Navarre, Roxanne Duran, Francis Lombrail, Julien Personnaz, Jeoffrey Bourdenet, Adel Djemai