Théâtre des Quartiers d'Ivry
studio Casanova, 69 rue Danielle Casanova
du 2 au 12 février 2011
Lumière. Intérieur : Salle, scène. Noir. Bruits extérieurs. Lumière. Espace orange, salle de gym ? peut-être. Femmes, hommes en habit de ville. Peut-être après le travail. Peut-être pas. Corps en mouvement prisonniers de leurs vêtements ou nus s'agitent, pédalent sur des vélos qui ne vont nulle part. Chaises vertes, casques blancs, croix verte : église. Pupitre de prédicateur ou de politicien transparent rempli d'eau. Un homme, une femme, tout habillé, plonge
tantôt un morceau d'éponge, ou une bouteille remplie d'huile et d'eau qui fait référence à la couleur du pétrole. Homme, femmes portant une combinaison blanche comme des ramasseurs de mazout mangent des bouts de plastique noir. Une femme crie dans l'oreille d'un homme. Un homme noir avec une cravate rouge de profil au drapeau américain, fait le récit de l'explosion de la plateforme
Deepwater Horizon dans le Golfe
du Mexique. Dernière image, l'homme face public suggère qu'il déchire la bible.
Noir.
Pas de personnage, pas de récit. Bruno Meyssat ne souhaite pas travailler à construire un récit mais plutôt sur les bribes. Fragments de paroles, traces de flux de paroles qui circulent sur un évènement et qui se logent dans la tête et agit le corps presque à l'insu du sujet.
Ce qui l'intéresse, c'est l'action de l'extérieur sur l'intérieur.
Ce que retient le corps du flux qui le traverse et comment ce qui reste, ce qui se sédimente, travaille la personne de l'intérieur.
Ainsi les images, une multitude de micro-récits se succèdent sans relation de cause à effet, sans lien apparent, comme des associations d'idées (l'apparition de Christophe Colomb avec des genouillères). Comme dans un rêve le temps n'existe pas mais les images surgissent et existent pour elles même. Elles existent, c'est tout.
Mais le spectateur devra se poser la question des limites du choix de traitement de ce fait de société : l'explosion de la plate forme Deepwater, les difficultés de BP à faire cesser l'écoulement du brut et la catastrophe écologique.
On peut noter l'étrange absence de la télévision et d'internet et par conséquent de la vue. Or aujourd'hui le premier organe contaminé, le premier organe halluciné, transformé, c'est la vue. Ce qui fait d'un évènement local, un évènement mondial c'est la télévision et internet. C'est par ses canaux que nous arrivent en premier lieu ce qui va bien et ce qui va mal dans le monde. C'est par ces canaux qu'émergent la nouvelle conscience cosmopolite. C'est par
ces canaux que transitent les flux qui percutent les frontières invisibles du nous et des autres, du moi et de l'autre.
Par ailleurs les transformations biologiques induites par le fait de société ne conduisent pas le sujet forcément à un repli sur soi ou à réagir de manière impulsive. Les faits de sociétés réveillent chez les personnes des nouveaux désirs, le besoin d'agir, de créer par de-là les frontières nationales, des nouveaux liens de solidarité.
Un fait de société comme l'explosion de la plate forme Deepwater révèle la complexité du jeu des acteurs dont certains agissent pour le compte de l'état-nation, d'autres pour le monde de l'économie et d'autres encore pour le monde appartenant à la société civile. Chacun des acteurs agit selon une logique d'intérêt mais leurs intérêts sont encastrés les uns dans les autres.
Le théâtre peut-il traiter la complexité des transformations induites par ce qui vient de l'extérieur, tant au niveau collectif qu'individuel sans passer par le récit ?
En guise de conclusion, remarques glanées à la sortie du spectacle :
- J'ai rien compris
: C'est complètement hermétique. On a l'habitude des spectacles contemporains mais là
!
Zindor Charles
CRÉATION
conception et réalisation : Bruno Meyssat
Assistantes à la mise en scène : Elisabeth Doll , Véronique Mailliard
Lumière : Franck Besson
Scénographie plateau : Pierre-Yves Boutrand, Bruno Meyssat, Olivier Mortbontemps
Univers sonore : David Moccelin
Costumes : Robin Chemin
avec
Gaël Baron
Pierre-Yves Boutrand
Julie Moreau
Anne-Sophie Sterck
Marie-Laure Vrancken
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