LE SOULIER DE SATIN
Théâtre la Boussole
29 rue de Dunkerque
75010 Paris
Le 10 novembre à 15h
Il est inscrit sur l’affiche : Le soulier de satin en 1h40. Une pièce qui nécessite 11 heures pour être montée dans son intégralité.
Une action qui se situe à la Renaissance, durant le Siècle d’Or espagnol, sur les trois continents, Europe, Afrique et Amériques. Une action qui écartèle les personnages de Claudel entre les intrigues du pouvoir terrestres, les désirs amoureux et le ciel.
Une sorte d’épopée planétaire dont le but avoué est de développer un discours universel sur les passions, les exigences du devoir, de l’honneur, du destin de l’homme et de la femme dans ce monde chaotique. Une fresque grandiose toute empreinte de mysticisme, de foi chrétienne et infusée dans la vision extatique du renoncement si cher à la culture judéo-chrétienne.
L’adaptation d’Alicia Roda, également metteur en scène, s’attache à la trame principale du drame, l’amour jamais consommé entre Don Rodrigue et Dona Prouhèze. L’épopée est ici mise en filigrane pour laisser toute la place aux doutes et aux aveux des personnages principaux. On est dans le combat spirituel, réfléchi, pesé. Le tout porté par le verbe de Claudel qui tangue habilement entre le grandiose et le quotidien, le blagueur et le cabotinage.
Aucun décor, quelques accessoires, quelques effets lumineux suffisent à voyager au fil de l’histoire. Les comédiens portent avec talent l’intrigue, les péripéties et la narration inévitable dans cet exercice de résumé.
Un gros travail sur la matérialisation des personnages a été fait : des caractères tranchés, parfois drôles, parfois touchants. Les interprètes donnent toute leur énergie et leur chair pour incarner ces rôles parfois lunaires, parfois tellement cérébraux et engoncés par la morale et la peur du péché qu’on a peine à imaginer qu’ils puissent exister et s’émouvoir.
Tout ce spectacle est construit comme un conte. Un conte qui se déroule sous l’œil de trois témoins : un ange, un fou et la fille de Don Rodrigue. Un conte qui met en scène, comme si souvent chez Claudel, un trio, deux hommes, une femme. Un conte où Dona et Don ne finissent pas à la noce avec un avenir semé de pétales de roses mais un conte où les amoureux préfèrent l’idée de l’amour à l’amour et où la vraie joie se trouve dans le renoncement au bonheur en ce monde.
Bruno Fougniès
Le soulier de satin
Texte de Paul Claudel
Mise en scène et adaptation Alicia Roda
Co-adaptation et lumières Pascal Guignard Cornelien
Avec
Leticia Gutierrez, Sarah Gfeller, Didier Dahan, Michel Grand, Marc Diabira, Richard Feriot