Qui dit Machiavel dit homme cynique dépourvu de tout sens moral et d'honnêteté, ce qui a d'ailleurs donné l'adjectif machiavélique. Son œuvre Le Prince est un traité de l'art de la politique, où souvent la fin justifie les moyens, partant du principe que les hommes sont par nature mauvais.

Ce texte datant du XVIème siècle nous envoie des échos résolument modernes grâce à l'adaptation ou plutôt la mise en pratique qu'en fait Laurent Gutmann.

L'action se situe de nos jours, lors d'un stage de formation.

Salle froide, laide et sans âme sous ses éclairages néons de salle de classe avec l'inévitable machine à café. Au centre, une voiture, une « coupée » Peugeot.

Trois stagiaires devront essayer de prendre le pouvoir puis ensuite de se comporter en gouvernants dignes de ce nom afin de le conserver.

Un curieux professeur en tenue Renaissance les guidera à l'aide de citations du Prince.

Dans un jeu de ping pong entre le langage ancien du texte de Machiavel et celui très contemporain des stagiaires et de la formatrice, échange éminemment drôle et jouissif, les situations se succèdent sans temps morts, arguments de campagne électorale, promesses, choix d'un premier ministre, manifestations, avec la participation active du public censé être le peuple.

C'est à la fois désopilant et impitoyable, jubilatoire et cruel, subversif et hilarant, superbement inventif et original,  très finement écrit et observé en même temps que très accessible à tous.

Si les stagiaires se prennent rapidement au jeu, utilisant  sans scrupules inutiles coups bas et manipulations, le public n'est pas en reste et participe avec un entrain que les comédiens canalisent  avec un beau savoir-faire.

Si vous voulez prendre une vraie  leçon de politique en vous amusant, ne ratez surtout pas cet excellent exercice. Vous en redemanderez.

Nicole Bourbon

En me rendant au théâtre tout le long du trajet je me demandais vraiment comment Laurent Gutmann pouvait mettre en scène un tel texte. Pour l'avoir lu il y a quelques années je ne voyais vraiment pas. EH bien... Bravo, mille fois bravo, c'est une réelle surprise, une (re)découverte, un moment de bonheur où on oscille entre le rire et le grinçant sans jamais sentir "le poids des mots"... Grâce à une mise en scene intelligente et cocasse il nous permet de comprendre toute la richesse et l'intelligence de ce texte, de mettre en lumière son "universalité" et donc toute son actualité sans lourdeur, chacun imaginant et interprétant les sous-entendus évidents que l'on ne manque pas de faire avec certains faits récents ou passés.

À souligner également l'interprétation magnifique des cinq comédiens, Maud Le Grévellec, Thomas Blanchard, Luc Diquéro, Shady Nafar et Pitt Simon qui sont criant de vérité.

Également à souligner, les costumes de Axel Aust et les lumières de Gilles Gentner, lumières qui ont un rôle important dans la scénographie. Machiavel est habituellement considéré comme un cynique, un théoricien d'un pouvoir pour le pouvoir. Avec ce spectacle on assiste à une explication magistrale, une leçon imagée des mécanismes encore à l’œuvre des luttes de pouvoir et du rôle des politiques.

À ne pas manquer...

Fabienne Schouler

 

Le Prince

D'après Nicolas Machiavel
Mise en scène et scénographie: Laurent Gutmann

Avec : 
Thomas Blanchard : Rémi
Cyril Dubreuil, jusqu'au 14 novembre à Suresnes, Luc-Antoine Diquéro : Nicolas
Maud Le Grévellec : Myriam
Shady Nafar : Karine
Pitt Simon : Max

Lumières : Gilles Gentner 
Costumes : Axel Aust 
Maquillages et perruques : Catherine Saint Sever 
Son Lucas : Lelièvre 
Répétiteur chants : Vanasay Khamphommala 
Régie générale : André Neri