LE PARIS DES FEMMES – « SCANDALE »
Théâtre des Mathurins
36 rue des Mathurins
75008 Paris
Tél: 01 42 65 90 00
Le 8 janvier 2017 à 19h00
Pour cette troisième et dernière soirée du Paris des Femmes 2017, quatre pièces courtes ont été proposées en lecture spectacle sous la direction de Catherine Schaub à la mise en scène.
Le thème imposé pour toutes ces écritures : Scandale
La première, « French cancan » d’Ariane Ascaride. On connaît bien Ariane Ascaride pour ses qualités de comédienne et d’actrice, sur les plateaux de théâtre et de cinéma, notamment mais pas uniquement dans les films de Robert Guédiguian (dont le primé Marius et Jeannette). Cette fois-ci, elle est dans l’ombre de l’écritoire pour inventer les scènes et les mots que Raphaëline Goupilleau et Tessa Volkine vont incarner. Une jolie histoire qui s’intéresse aux affres et douleurs de l’auteur fasse au vide de la page blanche. Il faut applaudir le bel à-propos de ce texte qui prend intelligemment la situation imposée par cette demande d’écriture comme base. Mais il y a aussi un bel esprit dans cette scène entre une auteure en panne et une « éditrice » en demande. La pièce fonctionne aussi sur l’autodérision ainsi qu’une bonne dose de provocation qui finit par emporter le public de la soirée dans les rires.
La seconde pièce écrite par Sylvie Germain s’intitule « Économies d’énergie ». Elle met en scène elle aussi deux personnages, le mari et la femme, parisien, interprétés par Sam Karmann et Cristiana Réali. L’histoire raconte une soirée de ce couple de la classe moyenne (lui est prof et corrige les copies de ses élèves pour la plupart catastrophiques), une soirée troublée par le passage nocturne et obsédant de migrant dans la rue, sous les fenêtres de leur appartement. L’ordre douillet de ce couple est bientôt mis en péril par les doutes que cette misère déferlante sème. Un sujet grave, tragique qui renvoie à notre réalité. Sylvie Germain est peu habituée à l’écriture pour le plateau et son texte ressemble finalement plus à une nouvelle littéraire qu’à une scène dramatique ce qui fait que l’action se dilue dans un dialogue relativement gratuit.
La troisième pièce : « Le jour où Maud a sauté » de Brigitte Giraud nous plonge dans un interrogatoire mené par un policier sur une lycéenne. Celle-ci a assisté au suicide de son amie Maud qui s’est défenestrée dans l’établissement scolaire. Au fil de la confrontation, les vies des deux adolescentes se dévoilent, avec leurs différences sociales, leurs bouleversements, leurs violences et leurs faiblesses. L’enquêteur lu par Nicolas Briançon est un accoucheur tranquille, en retrait, en relance, poussant peu à peu la jeune femme aux aveux. Celle-ci est interprétée par Bénédicte Choisnet, impressionnante tant son jeu est crédible, jouant parfois la bête, la superficielle, passant de la naïveté à la manipulation en un souffle. Une très belle interprétation pour un beau personnage. Même si un épilogue 30 ans après semble relativement superflu pour un thème, le suicide d’une lycéenne vue par une autre lycéenne, qui est d’une troublante vérité et ne nécessite pas d’explication réaliste.
La quatrième pièce, pour terminer ce festival en l’honneur de la création littéraire féminine « Le vrai scandale, c’est la mort », est un petit bijou écrit par Marie Nimier et interprété avec la fougue, l’exubérance et la dérision qu’on lui connaît par Marilù Marini.
Pour développer ce thème très clair, Marie Nimier a choisit de donner ses mots à une vieille femme traînant après elle son hémiplégique de mari dans son fauteuil roulant… Les mots fusent,évoquant les réalités terribles de la vieillesse mêlées aux souvenirs brûlant d’une enfant morte encore jeune, les affaissements, les vieilles révoltes, les trahisons du corps et de l’amour, mais il ressort de cette pièce avant tout et surtout une soif de vivre et une détonante jubilation à prouver toujours et encore sa vitalité restante. Ce texte est comme un énorme bras d’honneur à la mort et au renoncement.
Avec un tel personnage, Marilù Marini se régale, apostrophe la salle, et passe de la provocation excessive et sensible au poignant remords avec une aisance réjouissante. Mais il serait dommage d’oublier dans le rôle muet mais point inactif du mari hémiplégique, un excellent Dominique Gras qui fait preuve d’un nécessaire et profond investissement dans ce personnage.
Pour finir, un grand bravo à celle qui a dirigé les quatre lectures-spectacles et a permis de trouver le liant pour que ces univers si différents s’intègrent et se parlent : Catherine Schaub
Rendez-vous l’année prochaine pour l’édition prochaine du Paris des Femmes.
Bruno Fougniès
« French cancan » d’Ariane ASCARIDE avec Raphaëline GOUPILLEAU, Tessa VOLKINE
« Économie d’énergie » de Sylvie GERMAIN avec Sam KARMANN, Cristiana RÉALI
« Le jour où Maud a sauté » de Brigitte GIRAUD avec Nicolas BRIANÇON, Bénédicte CHOISNET
« Le vrai scandale, c’est la mort » de Marie NIMIER avec Dominique GRAS, Marilù MARINI
Mise en scène Catherine SCHAUB
Textes publiés aux éditions de L’avant-scène théâtre
Mis en ligne le 12 janvier 2017