LE PARADOXE DES JUMEAUX
Théâtre de la Reine Blanche
2 bis, passage Ruelle
75018 Paris
01 40 05 06 96
Jusqu’au 28 décembre
Du jeudi au samedi à 20h45, dimanche à15h30
Et mardi 19, mercredi 20, mardi 26, mercredi 27 décembre à 20h45
Relâche le 24 décembre
Sous ce titre énigmatique mais assez logique, se cache une tentative pour imager et poser problème à la théorie de la relativité, tentative exposée par Paul Langevin, illustre scientifique du début du XXème. Une expérience de pensée qui fit polémique pendant des années dans le monde scientifique et qui utilise l’exemple de deux jumeaux pour illustrer cette théorie novatrice à l’époque.
Pourtant, le véritable sujet de cette pièce est ailleurs : il s’agit ici de retracer quatre années de la vie de Marie Curie. Les quatre années qui précédèrent son prix Nobel (le deuxième après celui qu’elle avait partagé avec Pierre, son mari et Henri Becquerel, quelques années plus tôt, pour leurs découvertes à propos de la radioactivité). Pierre Curie disparaît en 1906 sous les roues d’un véhicule, Marie Curie se retrouve seule à poursuivre les recherches sur le radium.
C’est dans l’univers de la recherche que se déroule l’action de la pièce. Une page d’histoire des sciences, mais aussi une page d’histoire sociale et une page d’histoire personnelle mêlées. Car, à cette époque, Marie Curie tombe amoureuse de Paul Langevin, marié, père de 3 enfants. Une aventure qui va s’ébruiter dans les journaux de l’époque et tomber entre les mains des partis d’extrême droite qui vont profiter de l’aubaine pour faire campagne contre « la Polonaise ». Propos xénophobes, potins misogynes tout y passe pour nuire à la fois au bonheur et à la carrière de Marie Curie car la figure rayonnante d’une femme scientifique honorée pour ses brillants travaux dérange absolument cette société française masculine, étriquée et violente.
Toute l’action ou presque se passe dans le décor du labo de Marie Curie (interprétée avec une extrême sensibilité par Elisabeth Bouchaud, également co-auteur de la pièce). Deux fils se croisent en permanence dans le déroulement : l’un consiste en une initiation exacte (scientifique) aux découvertes, aux dilemmes, aux difficultés rencontrées par ces chercheurs (Marie et Paul Langevin). L’autre consiste à raconter leur histoire d’amour sous le regard complice de la sœur de Marie Curie (incarnée par Sabine Haudepin qui apporte légèreté et humanité à cet univers rigoureux), une histoire vite emportée dans la tourmente des medias et des politiques moralistes de l’époque.
À cela se rajoute le début de la fatigue de la scientifique (due à ses expériences sur la radioactivité), son envie de défendre les mouvements libérateurs de la Pologne qui à l’époque était sous le joug de la Russie tsariste… on sent que ce texte bouillonne d’envies de dire toute une époque, et toute la lutte pour que la liberté de la femme soit enfin respectée : liberté dans le travail, l’intelligence mais aussi liberté dans le désir, la sensualité.
Les trois interprètes (le troisième, Karim Kadjar en Paul Langevin, excessivement exubérant) tentent de trouver leur chemin, leurs propres fils dans ce canevas très croisé entre réalité historique et représentations des émotions intimes. Pour cette première représentation, ils semblaient jouer sur des plans différents mais l’unité se fera sans aucun doute à mesure que les dates s’accumuleront.
Quoi qu’il en soit, c’est un sujet bénéfique que celui-ci, au moment où un regain d’obscurantisme met en péril la liberté des femmes un peu partout sur cette planète. C’est aussi l’occasion de découvrir de façon ludique quelques notions scientifiques pointues tout en se replongeant comme si on y était dans l’époque qui précéda la première guerre mondiale.
Bruno Fougniès
Le Paradoxe des jumeaux
Texte de Jean-Louis Bauer et Elisabeth Bouchaud
Mise en scène : Bernadette Le Saché
Décors : Juliette Azémar
Construction décors : Félix Baratin
Costumes : Karen Serreau
Assistante mise en scène : Judith Policar
Création sonore : Stéphanie Gibert
Création lumière : Paul Hourlier
Avec : Sabine Haudepin, Élisabeth Bouchaud, Karim Kadjar
Mis en ligne le 18 novembre 2017